Introduction
Ce document de vulgarisation a été tiré d’un article scientifique que nous avons publié dans la Revue Africaine des Lettres, des Sciences Humaines et Sociales KURUKAN FUGA (https://revue-kurukanfuga.net/), à la suite d’une recherche sur la gestion des déchets. Il s’intéresse à l’insalubrité dans la Commune de Kaya, chef-lieu de la région du Centre-Nord. Chaque année, environ 62 millions de tonnes (Mt) de déchets sont produits par les villes africaines selon une étude de la Banque Mondiale (2018). Si entre 70 à 80 % de ces déchets générés sont recyclables, seulement 4 % sont effectivement recyclés (Sama et Berenger, 2023). Selon les estimations de l’African Clean Cities Platform, la production de déchets atteindra 244 Mt en 2025. Cela représente donc un défi immense pour le continent malgré l’existence de politiques de gestion des déchets soutenues par une réglementation internationale. L’Agenda 2063 de l’Union Africaine élaborée en 2013 par exemple, prévoit que les pays africains devront recycler au moins 50 % des déchets urbains qu’ils génèrent d’ici 2023.
Les stratégies nationales de gestion élaborées par les différents États sont marquées par des approches concrètes mises en œuvre dans les pays et centrées sur les collectivités territoriales (Tourlonnias 2011). C’est le cas du Burkina Faso qui a engagé de nombreuses actions dans le sens d’une prise en charge intégrée de l’assainissement de l’environnement urbain aux enjeux politiques importants (Sory, 2013).
Cependant, la plupart des villes africaines sont confrontées à des difficultés comme l’absence d’infrastructures adéquates, une réglementation insuffisante et le manque de ressources (Rajaomanana, 2011). Mais, elles se battent tout de même pour faire face à l'accumulation de déchets. Malgré les efforts des autorités Burkinabè, la gestion efficace des déchets urbains, qu’ils soient solides ou liquides, demeure toujours un important défi pour la plupart des municipalités où le rapport des citoyens à l’espace public est marqué par un désintérêt vis-à-vis de la salubrité urbaine (Traoré, 2011). C’est le cas de la ville de Kaya dont l’une des préoccupations majeures est l’insalubrité urbaine. Cette insalubrité, liée à des difficultés de gestion des déchets produits par les habitants, est aggravée par l’augmentation du nombre d’habitants de la ville en raison de l’arrivée des Personnes Déplacées internes (PDI) fuyant les attaques terroristes.
La gestion des déchets de Kaya représente un défi de salubrité urbaine pour la municipalité. Cet article s’intéresse aux sources et aux types de déchets solides produits dans la Commune à partir d’un état des lieux de la gestion des déchets.
Après l’introduction, il sera question de la méthodologie de recherche mise en œuvre, les résultats de l’étude et une conclusion.
Cette étude s’est déroulée dans la ville de Kaya, une commune située à environ 100 km de la capitale. Elle est le chef-lieu de la province du Sanmatenga et de la région du Centre-Nord. Elle compte sept (07) secteurs et 71 villages et couvre une superficie de 922 km2, soit 5,06% de la superficie totale de la région du Centre-Nord. Sa population qui était de 117 122 habitants en 2006 est estimé à 207 740 habitants dont 121 970 habitants dans la partie urbaine selon le Recensement Général de la Population et de l’Habitat (RGPH) de 2019. La population a davantage augmenté avec l’arrivée des Personnes déplacées internes (PDI) estimées par le CONASUR à 114 776 à la date du 31 décembre 2022 (https://lefaso.net/spip.php?article118893).
L’éude s’est appuyée sur un questionnaire et des guides d’entretien pour collecter les données nécessaires dans le but d’approfondir la compréhension de la problématique de la salubrité urbaine dans la ville de Kaya. La collecte des données s’est déroulée en juin 2023 auprès de 350 ménages et d’une vingtaine de personnes de ressources : services techniques de l’Etat, associations de jeunesses et de femmes, des travailleurs du secteur informel, des organisations de collecte des déchets, des autorités coutumières et religieuses, des personnels de l’éducation et des agents municipaux.
2. Résultats
2.1. Qu’est-ce que la salubrité urbaine ?
Pour mieux comprendre l’insalubrité urbaine, nous allons dire ce qu’est la salubrité. À l’occasion de la vingtième conférence de l’Observatoire de la Démocratie Participative « Villes/Territoires Durables et Démocratie Participative » tenue du 20 au 22 octobre 2021 à Abidjan (Côte d’Ivoire), la salubrité est définie comme :
« Le caractère de ce qui est favorable à la santé des hommes et qui concourt à préserver l'hygiène corporelle et publique. La salubrité c'est la propreté. C'est ce qui est exempt de saleté, de toute souillure. La salubrité ou la propreté s'applique à plusieurs domaines du cadre de vie et de l'environnement. Ce sont : l'air, l'eau, le sol, la rue, le cadre bâti, l'urbanisme, l'assainissement et la propreté corporelle ».
Cette définition renferme des notions clefs telles que l’hygiène publique, l’assainissement du cadre de vie, la rue, l’urbanisme, autrement dit des espaces publics qui requièrent une organisation pour la gestion des déchets produits. La salubrité se caractérise par l’absence de déchets dans les espaces publics, la qualité de l’offre de la collecte des déchets produits, l’effectif des abonnés à un dispositif de collecte, la qualité de l’air ambiant et la réduction des nuisances y relatives. L’insalubrité est tout ce qui va à l’encontre de la propreté du cadre de vie des populations.
2.1.1. Sources de production des déchets solides de la ville
Les sources de production des déchets sont les activités résidentielles, commerciales, économiques, événementielles, institutionnelles et industrielles. Les déchets résidentiels sont ceux produits dans les ménages et sont fonction de la taille et parfois du niveau de vie des membres qui les composent. Les sites d’accueil des personnes déplacées internes sont aussi producteurs de déchets. Les déchets commerciaux sont ceux issus des marchés et des entreprises économiques tels que les restaurants, les kiosques, les travaux de BTP, etc. Quant aux déchets issus des activités évènementielles, ils sont produits suite à une cérémonie ayant mobilisé la population. Ces activités entrainent sur place une forte consommation d’eau, de fruits et de légumes, source de déchets plastiques et rejets de résidus de fruits.
En plus des sources déjà citées, les milieux administratifs sont également des producteurs de déchets solides. Ils sont composés de presque toutes les catégories de déchets qu’on peut retrouver dans un ménage ordinaire. Les sources de production industrielle n’ont pas été constatées dans la ville de Kaya. Toutefois, l’artisanat se développe et concerne notamment la maroquinerie qui est une activité séculaire de la ville. Les déchets produits sont essentiellement des résidus de peaux d’animaux, des emballages plastiques, des boites de peintures, etc.
2.1.2. Typologie des déchets solides produits dans la ville de Kaya
L’étude a révélé qu’il existe plusieurs types de déchets produits par les ménages. La proportion des déchets produits est plus importante sur les emballages plastiques soit 33,1%, suivi respectivement des restes de cuisine (22,4%), les papiers/cartons (19,1%), les bouteilles/verres (13,4%) et les résidus divers (2,9%). Il ressort que la production des déchets plastiques est prédominante et cela pourrait s’expliquer par l’usage tous azimuts de la matière plastique pour l’emballage et la conservation des aliments. En outre, les déchets organiques et fermentescibles sont importants et illustrent les possibilités ou opportunités de valorisation, voire de création de revenus.
Conclusion
Au terme de cette étude sur la salubrité urbaine dans la Commune de Kaya, il faut noter que l’augmentation de la population en raison des déplacements forcés liés à l’insécurité influence la quantité des déchets produits dans la ville ainsi que les sources de production. La gestion des déchets est non seulement un défi à relever pour la Municipalité, mais aussi une chance de réinventer les pratiques de consommation et de production, tout en renforçant la résilience des communautés face aux enjeux environnementaux. Il est fondamental pour la Commune d’impulser une nouvelle dynamique pour aboutir à un système de gestion durable et inclusif des déchets, afin de garantir un avenir sain et viable pour les générations futures.
Dr Siaka GNESSI
Chercheur, INSS/CNRST
Ouagadougou, Burkina Faso
Références bibliographies
BANQUE MONDIALE, (2018). « Production des déchets dans le monde », en ligne, https://www.planetoscope.com/dechets/363-production-de-dechets-dans-le-monde.html, consulté le 15/06/2024.
CHAFI, Rajae. (2011). « La gestion des déchets en Afrique : de l’or dur ou la dure réalité d’une pollution qui dure ? » In Gestion des déchets ménagers, regards croisés, 90, 4e trimestre 2011 : 69–72. IEPF, OIF, Québec Interscript.
CONSEIL NATIONAL DU SECOURS D’URGENCE (CONASUR), (2022). Rapport d’avril sur le nombre de personnes déplacée interne (PDI), Ouagadougou.
INSTITUT NATIONAL DE LA STATISTIQUE ET DE LA DEMOGRAPHIE (INSD), 2019. Résultat du recensement général de la population et de l’habitation, Ouagadougou, BF.
GNESSI Siaka, « La gestion des déchets solides ménagers : un défi pour la salubrité urbaine de la commune de Kaya (Burkina Faso) », KURUNKAN FUGA, Revue Africaine des Lettres, des Sciences Humaines et Sociales, Vol 3-N°11, Septembre 2024.
INSTITUT NATIONAL DE LA STATISTIQUE ET DE LA DEMOGRAPHIE (INSD), (2021). Annuaire statistique de la région du Centre Nord, Ouagadougou, BF.
MAIRIE DE KAYA, (2018). Plan Stratégique de Gestion des Déchets Solides de Kaya (PSGDS)
MEUNIER-NIKIEMA, Aude et KIBORA, Ludovic, (2014). « Gestion des déchets ménagers à Kaya, une ville moyenne du Burkina Faso », À H כֿ H כֿ Revue de Géographie de Lomé : 1–11. Lomé, Laboratoire de Recherche sur la Dynamique des Milieux et des Sociétés (LARDYMES).
SORY, Issa, (2013). "Ouaga la belle !" gestion des déchets solides à Ouagadougou : enjeux politiques, jeux d'acteurs et inégalités environnementales, Thèse de doctorat en Géographie sous la Direction de Bernard Tallet, Université Pari1, France.
TOURLONNIAS, Béatrice, 2011. « La gestion communale des déchets, c’est possible ! ». Gestion des déchets ménagers : regards croisés 90 : 15–17, 4e trimestre 2011. Québec : IEPF, OIF, Interscript.
TRAORE, Maimouna. (2011). Le ‘sale’ et le ‘propre’ : modes de gestion des déchets ménagers et logiques identitaires à Ouagadougou (Burkina Faso). Thèse de doctorat en sociologie, Université de Poitiers.