Document de vulgarisation : Chrysanthellum americanum (L.) Vatke (Asteraceae) une espèce herbacée à vertus thérapeutiques au Burkina Faso

Soumis par RedacteurenChef le jeu 18/01/2024 - 01:20

banniere

I. Introduction

Globalement, les ressources forestières jouent un rôle important dans la satisfaction des besoins quotidiens des milliers de personnes dans le monde surtout dans les pays en développement (OUATTARA et al., 2021). Ces besoins incluent essentiellement l’alimentation humaine et animale, l’esthétique, l’artisanat, les matériaux de construction, l’ornementation, la pharmacopée etc. Elément important du patrimoine culturel, la médecine traditionnelle et la pharmacopée demeurent la principale source de santé primaire pour 70% de la population des pays en développement. Plusieurs espèces ligneuses et herbacées interviennent dans l’approvisionnement en produits de la médecine traditionnelle pour les soins des populations. Parmi ces espèces, figure une espèce herbacée, Chrysanthellum americanum (L.) Vatke syn. C. indicum DC. Le chrysanthellum (C. americanum syn. C. indicum), un therophyte qui appartient à la famille des Asteraceae. Originaire d'Amérique du Sud, plus particulièrement de Bolivie et du Pérou, l’espèce s’est développée spontanément en Afrique tropicale et en Inde. Elle est parfois appelée la camomille d'or et a fait son apparition en phytothérapie assez récemment en Europe. C. indicum ou Chrysanthellum americanum, dite aussi herbe aux fleurs d'or, chrysanthellum d'Amérique ou camomille d'or, est une petite plante herbacée cousine de la camomille romaine (Chamaemelum nobile) à qui elle ressemble fortement. Avec ses 15 cm de hauteur, la tige dressée porte de petites feuilles découpées et des capitules terminaux de fleurons en tubes et en languettes de couleur jaune orangé ; ses fruits sous forme d'akènes se forment. Toutes les parties aériennes de la plante sont utilisées. Les tiges feuillées de l’espèce sont utilisées dans les soins de la blennorragie, la fièvre jaune, l’ictère hématurique, la dystonie, l’alcoolisme, l’anurie, paludisme, les calculs biliaires, les calculs salivaires, les coliques néphrétiques, la lithiase urinaire, les dyspepsies, les fermentations intestinales. La plante entière est consommée comme thé (tisane). En outre, les parties aériennes de la plante renferment des flavonoïdes (maréine, maritiméine, apigénine), des saponosides (les chrysanthellines), des tanins, des acides phénoliques et des alcaloïdes, lesquels métabolites secondaires seraient à l’origine des différentes propriétés que regorgent C. americanum. Depuis des siècles, dans les Andes, les Indiens ont utilisé le chrysanthellum pour soigner les problèmes gastro-intestinaux, les migraines et les poussées de fièvre. Aujourd'hui, ce sont les vertus protectrices du foie, hypocholestérolémiantes, antiœdémateuses et anti-lithiasiques du chrysanthellum qui font sa renommée. L'alcool et les excès alimentaires qui provoquent une "intoxication" du foie sont drainés et éliminés grâce à une sécrétion plus aisée de la bile, une élimination des microcalculs biliaires et rénaux. D'ailleurs, il est possible d'utiliser le chrysanthellum à titre préventif avant un repas copieux ou une soirée arrosée. L'autre effet bénéfique du chrysanthellum concerne la circulation sanguine, notamment la microcirculation, permettant de soulager les jambes lourdes variqueuses, mais également recommandé en cas de fourmillements, signes d'une mauvaise circulation dans les mains et les pieds occasionnant des hémorroïdes et de la couperose. Le chrysanthellum aurait aussi une action antioxydante.

L’habitat privilégié de C. americanum est les basfonds en zone soudaniennes. L’espèce est indicatrice de sols bien structurés et fertiles et préfère généralement les sols à horizons supérieurs sableux.

Les vertus du C. americanum étant mis en évidence il est possible qu’il ait un engouement particulier autour de son exploitation et de façon générale sur toutes les espèces médicinales à vertus thérapeutique. Il est donc nécessaire d’entreprendre des études ethnobotaniques en vue de recenser les utilisations locales des espèces végétales (BAPIO, 2022). C’est pour clarifier cette crainte de pression et les usages locaux en particulier sur C. americanum au Burkina Faso que ce document de vulgarisation trouve son sens. Il est destiné aux vulgarisateurs agricoles et acteurs de développement rural pour susciter au sein des producteurs l’engouement de domestiquer l’espèce dans les exploitations agricoles.

 2. Matériels et méthodes

Description du site d’étude

Les travaux ont été menés dans quatre villages situés dans les zones Sub-sahélienne (Boken), Nord-soudanienne (Ténado et Somé) et Sud-soudanienne (Dindéresso) du Burkina Faso (Figure 1). Boken se situe dans la zone phytogéographique Sahélienne précisément dans le secteur Sub-Sahélien avec des températures se situant entre 39,6°C et 39,7°C et une pluviométrie moyenne annuelle de 777 mm repartie en 33 jours de pluies. On rencontre dans le village cinq unités de formations végétales que sont : les formations mixtes des vallées associées aux cultures, les parcs à Vitellaria paradoxa et Faidherbia albida, la savane arborée à arbustive, la steppe arbustive et la savane arborée des vallées. Les sols couramment rencontrés sont les sols sesquioxydes de fer et les sols hydromorphes à gley ou pseudogley. L’agriculture et l’élevage sont les principales activitées menées dans le village .

Les villages de Ténado et de Somé sont situés dans la zone phytogéographique nord-soudanienne. Le village de Ténado est caractérisé par un climat de type soudanien-sahélien, les précipitations vont de 700 à 1000 mm avec une température moyenne annuelle de 24°C. La végétation est constituée par une savane arborée fréquemment rencontrée ; une savane arbustive plus dense ; des formations rupicoles boisées installées principalement sur les berges du fleuve Mouhoun et ses affluents ; une savane herbeuse caractérisée par des sols superficiels gravillonnaires. Les sols sablo-argileux ou gravillonnaires ; les sols hydromorphes et les sols à sesquioxyde de fer sont les plus rencontrés. Le village de Somé avec une température moyenne annuelle de 28°C et une pluviométrie moyenne annuelle de 2012 à 2021 de 869,6±32,48mm de pluie à une végétation dominée par les savanes herbeuses, la savane arbustive et la savane arborée. A Somé, les types de sols les plus répandus sont les sols hydromorphes sur matériaux argilo sableux, les sols hydromorphes évolués sur matériaux gravillonnaires et les sols argilo limoneux des bas-fonds. Les principales activités des populations se résument essentiellement à l’agriculture, l’élevage, le commerce, et l’exploitation des produits forestiers.

Dindéresso se situe dans le secteur sud soudanien avec une végétation constituée de la savane herbeuse, de la forêt claire et de la savane boisée à Isoberlinia doka Craib & Stapf. La pluviométrie annuelle en 2021 est de 1200±89,45mm avec comme température moyennes de 28,4°C. Les types de sols couramment rencontrés sont les sols peu évolués d’érosion sur matériaux gravillonnaires, les sols ferrugineux tropicaux sur matériaux sablo-argileux à argilo-sableux, et les sols ferralitiques faiblement à moyennement dénaturés. L’activité principale exercée par la population de Dindéresso est l’agriculture.

figure 1

Figure 1: localisation de la zone d’étude

Collecte de données

Les enquêtes ont été faites sous forme d’interview auprès de 190 ménages dans les villages de Dindéresso (Bobo), Somé (Nandiala), Ténado (Ténado), et Boken (Téma-bokin). Des informations ethnobotaniques sur C. americanum ont été collectées auprès des ménages ainsi que celles relatives à leur vie socio-économique. Les enquêtes ont été faites de façon aléatoire non stratifiée à travers des interviews individuelles. Les informations ethnobotaniques ont porté sur les usages du C. americanum par les populations des villages concernés, le nom vernaculaire, le but de son utilisation s’il est utilisé par le ménage. Les informations ethnoécologiques ont porté sur l’état de la disponibilité en milieu naturel de l’espèce, les sols de prédilection, les menaces auxquelles C. americanum est exposé en milieu rural, ainsi que la perspective de la production durable du Chrysanthellum americanum. Les informations socio-économiques ont porté sur la vie sociale et économique des ménages enquêtés (sexe, âge, statut matrimonial, niveau d’étude, sources de revenus, etc.). Les entretiens se sont faits sur la base d’un questionnaire structuré en trois sections que sont : Les caractéristiques socio-économiques et démographiques du ménage, les connaissances et la perception locales sur Chrysanthellum americanum, l’importance et l’utilisation des plantes enfin sur l’avenir et la portée de l’espèce. Au total, 190 personnes ont été enquêtées. Les interviews ont été menées dans la langue locale du répondant et chaque répondant a été interviewé individuellement pour assurer la confidentialité des réponses aux questions.

2.3. Analyses des données

A partir des variables échantillonnées, notamment le profil de chaque enquêté (sexe, âge, niveau d’études, ethnie, source de revenue, taille de ménage, durée de résidence, statut matrimonial et de résidence), la caractérisation des répondants de notre zone d’étude, a été possible. Pour chaque enquêté, les données collectées sont orientées sur la connaissance, la nature (plante introduite), l’utilisation, le temps de connaissance de l’espèce, l’abondance de l’espèce dans la zone, le lieu de collecte, les types de sol préférés par l’espèce C. americanum et enfin sur l’importance et l’utilisation des plantes comme tisane. La méthode d’analyse a consisté à déterminer les paramètres que sont le degré de connaissance et le biotope de l’espèce, la fréquence de son utilisation et de sa présence dans la zone d’étude ainsi que sa nature, en vue de faire une analyse statistique de ces données. Les données sont enregistrées sur un tableur Excel, puis analysées avec le logiciel SPSS (Statistical Package for social Sciences (Copyright SPSS, Windows, Version 2011, Chicago, IBM, SPSS, Inc.).

3. Résultats

Connaissances locales sur Chrysanthellum americanum

Les résultats montrent que dans les zones où l’étude s’est menée, C. americanum est une espèce populaire, c’est-à-dire connue presque de tout le monde (Figure 2). En effet, 95,79% ont répondu par l’affirmatif à la question connaissez-vous C. americanum ? Et seulement 4,21% ont répondu par la négative.

figure 2

Figure 2: Proportions des personnes connaissant Chrysanthellum americanum

Perceptions sur la nature de Chrysanthellum americanum

C. americanum est une espèce herbacée qui pousse de façon spontanée. L’étude révèle qu’elle n’est pas introduite au Burkina Faso. En effet la question relative à son introduction dans la localité a été répondue à 96,32% par la négation, seulement 3,68% des répondants pensent le contraire. Dans les quatre villages qui ont fait l’objet de l’étude 97,89% des enquêtés affirment que C. americanum est une espèce spontanée c’est-à-dire qui pousse d’elle-même dans la nature, cependant une minorité de personnes soit 2,11% pensent qu’elle est produite, elle est selon 86,32% de nos répondants une espèce herbacée (Figure 3).

figure 3

Figure 3 : Perceptions des populations sur la nature de Chrysanthellum americanum

Utilisation de Chrysanthellum americanum

C. americanum est une espèce utilisée au Burkina Faso à une échelle relativement faible car l’étude révèle que seulement 10% de la population interrogée l’utilise fortement. Elle est moyennement utilisée par 39,47% des répondants et 31,58% l’utilise rarement pour les 18,94% restant, l’espèce est sans usage (Figure 4). Les jours de marché de à Boken, Niandiala et de Dinderesso, C. americanum est vendu aux acheteurs venant des villes avoisinantes que sont Ouahigouya, Koudougou, Ouagadougou et Bobo-Dioulasso (Photo 1).

figure 4

Figure 4: Fréquence d’utilisation de Chrysanthellum americanum

photo 1

Photo 1 : Vente de Chrysanthellum americanum au marché de Nandiala

Temps de connaissance de l’espèce Chrysanthellum americanum

Le temps de connaissance de C. americanum est représenté par la (Figure 5). En effet, l’espèce est connue et utilisée au Burkina il y’a plus de 20 ans. L’analyse des données montre que 47,90% des personnes enquêtées connaissent l’espèce il y’a plus de 20 ans et ceux qui viennent de faire sa connaissance il y’a au moins cinq ans sont peu nombreux et représentent 4,21% des répondants. Ceux qui le connaissent il y’a en moyenne 15 ans ± 10 ans représentent 47,89% de notre échantillon.

figure 5

Figure 5: Temps de connaissance de l’espèce Chrysanthellum americanum

Perceptions sur l’abondance de Chrysanthellum americanum

Les résultats présentent C. americanum comme une espèce moyennement disponible en milieu local. C’est ce qu’affirment 74,74% de nos répondants contre 14,74% qui pensent qu’elle est rarement disponible contrairement à 9,47% qui estiment que C. americanum est une espèce abondante en termes de disponibilité dans le milieu local Burkinabè (Figure 6).

figure 6

Figure 6: perceptions sur l’abondance de Chrysanthellum americanum

Lieux de prolifération de Chrysanthellum americanum

La Figure 7 fait la synthèse sur la connaissance des lieux de collecte de l’espèce par les populations rurales. Ils sont ceux qui récoltent le plus C. americanum pour usage personnel ou pour vendre. Les lieux de collecte que l’étude a révélés sont les zones humides citées par 132 répondants soit 69,47% la brousse est le lieu de collecte cité par 17,89% des enquêtés. 12,63% de notre échantillon ignorent où on pourrait trouver et récolter du C. americanum. .

figure 7

Figure 7: connaissance des lieux de collecte de Chrysanthellum americanum

La figure 8 illustre les types de sol préférés par Chrysanthellum americanum. Selon les répondants, il peut être récolté dans les zones humides et en brousse mais pas sur n’importe quel type de sol. Ils estiment que les sols de prédilection de l’espèce sont le sol sablo-gravillonnaire (80%) et les sols argileux (15,79%).

figure 8

Figure 8: Types de sol préférés par Chrysanthellum americanum

4. Conclusion

L’objectif de l’étude était d’appréhender les perceptions locales sur C. americanum en vue de susciter sa domestication dans les exploitations agricoles. L’étude a montré que les populations des différents sites connaissent l’espèce ainsi que son écologie  et sa biologie. Cette connaissance est subordonnée à l’utilisation de C. americanum par des populations locales du Burkina Faso mais à des degrés différents. La récolte de C. americanum à des fins d’usages se fait sur des sols bien identiques à elle et dans des milieux spécifiques, identifiables par les populations locales. C. americanum est reconnue par les populations locales comme une herbacée spontanée relevant de la flore sauvage du Burkina. Moyennement disponible dans son milieu naturel, c’est une espèce longtemps utilisée à des degrés diversement appréciés. Il pousse sur les sols sablo-gravillonnaire et argileux dans les zones humides et les jachères. Une étude sur la possibilité de vulgariser la production de C. americanum pourrait s’avérer utile vu son intérêt prouvé par plusieurs études dans le domaine de la pharmacopée Burkinabè et Africaine en générale.

SANOU Lassina1; BAPIO Roland2 SIDIBE Hamadou1, KABORE Adama1

1Centre National de la Recherche Scientifique et Technologique / Institut de l’Environnement et de Recherches Agricoles / Laboratoire de l’Environnement et des Ecosystèmes Forestiers, Agroforestiers et Aquatiques / Ouagadougou, Burkina Faso

2Ecole Nationale des Eaux et Forêts ,Bobo Dioulasso

Auteur correspondant : SANOU Lassina ; email : lassina.sanoulassina@gmail.com

5. Références bibliographiques

BAPIO, R., 2022. Perceptions locales et importance Chysanthellum americanum (L.) Vatke (Asteraceae) une espèce herbacée à vertus thérapeutiques au Burkina Faso. Mémoire de Contrôleurs des Eaux et Forêts, 84pages+annexes.

OUATTARA B., SANOU L., KOALA J.,  HIEN M., 2021. Utilisations locales et vulnérabilité des espèces ligneuses dans les forêts classées de Oualou et de Tissé au Burkina Faso Afrique de l'Ouest. Afrique SCIENCE, 19(3):63-77.

 

Documents