- Introduction
Les zones pastorales, créées à la suite des sécheresses des années 1970 et 1983-1984 visait la promotion du secteur de l’élevage et la gestion durable les ressources naturelles. Ces aires, autrefois réservées à la pâture, sont de plus en plus sujettes à des occupations diverses à savoir l’agriculture, les habitations, etc., contribuant ainsi à réduire fortement la disponibilité des ressources naturelles (SANOU et al., 2022). Ainsi, l’élevage pastoral évolue dans une certaine précarité marquée par la restriction progressive des espaces pastoraux et l’accès aux ressources pastorales due à l’occupation des terres pour d’autres activités (agriculture, orpaillage par exemple). La zone pastorale de Gaongo-Sud, créée en 2000 n’échappe pas à ces pressions foncières. Dans la région du Centre-sud, zone où se mène cette étude, la forte immigration des pasteurs venus d’ailleurs et la rareté des terres fertiles ont accru la pression sur l’occupation des terres. Ainsi, l’avancée rapide du front agricole liée à la croissance naturelle de la population, l’immigration agricole et l’émergence de l’agro-business, l’essor notable du cheptel local et l’afflux de plus en plus massif de bétail sahélien qui fuit des conditions agro climatiques de plus en plus insupportables, ont entrainé la concentration des animaux au niveau des espaces pastoraux. Cette situation affecte les systèmes de production et menace les aires pastorales qui constituent des zones de refuges pour les éleveurs surtout en saison pluvieuse. Dans la zone pastorale de Gaongo Sud, l’exploitation du bois énergie est l’une des causes majeures de la réduction du couvert végétal (TENKODOGO, 2022). A cela, s’ajoutent les activités agricoles et de ramassage des agrégats. Ces actions associées à la péjoration climatique contribuent à une augmentation des risques de dégradation des écosystèmes de la zone pastorale de Gaongo-sud. Pour assurer une bonne conservation de la zone pastorale, ; objet du présent document de vulgarisation, il s’avère nécessaire de disposer de données précises sur l’évolution de ses ressources (couverture végétale et hydrique) ainsi que les proportions des différentes classes d’occupation du sol qui la composent. Pour arriver à cela, il faut d’abord comprendre la dynamique spatio-temporelle des ressources de la zone pastorale de Gaongo-sud, essentielle dans les prises de décisions pour une gestion durable de ladite zone. Les résultats permettront de rendre compte, avec beaucoup plus de précisions, des changements d’occupation du sol malgré les problèmes de confusions spectrales rencontrés.
- Méthodologie
Présentation de la zone d’étude
La zone pastorale de Gaongo-Sud, créée en 2000 est une relique de la forêt de la Volta blanche (Nakambé), classée 1953 (Figure 1) et est située entre les méridiens 12°06'012’’ de latitude Nord et 11°94’75’’ de latitude sud. Elle représente également une des Unité d’Aménagement Forestier (UAF) du Chantier d’Aménagement Forestier de Nakambé (CAF/N). La zone pastorale est située dans la commune rurale de Gaongo, province du Bazèga et relève de la région du Centre Sud au Burkina Faso. Elle couvre une superficie de 6 205 ha. La population active est composée principalement d'agriculteurs et d’éleveurs, qui sont établis dans les 13 villages de la commune. L’exploitation du bois est également pratiquée dans la commune par une organisation d’exploitant du bois.
Figure 1 : Localisation de la zone pastorale de Gaongo-Sud
Outils de collecte des données
Des images de Path 194 et 195 et row 52 de Landsat ETM+ (Enhanced Thematic Mapper Plus) de l’année 2000, TM (Thematic Mapper) de 2010 et OLI-TIRS (Operational Land Imager) de 2020 ont été choisi. Ces images ont été téléchargées gratuitement sur le site web de la NASA à travers le site www.earthexplorer.us.gov . Leurs caractéristiques sont détaillées dans le tableau 1.
Tableau 1: Images satellitaires utilisées et leurs caractéristiques
- Résultats
Analyse de l’évolution du climat
L’analyse du graphique de l’indice standardisée des données de précipitations (Figure 3) recueillies au niveau de la zone d’étude au cours de la période (1980-2020), révèle une alternance entre les années de sécheresses et les années humides avec toutefois des épisodes secs de plus en plus longs (24 années sèches contre 17 années humides). La décennie 1980-1989 a été marquée par 6 années de pluviométries déficitaires. La décennie 2000-2009 quant à elle, a enregistré 8 années de déficits pluviométriques. On remarque également une période de 4 année d’humidité successives entre 2015 à 2018. En somme, sur une période de 41 années, 24 années de sècheresses ou de déficits pluviométriques ont été enregistrées ; soit, 18 années de sècheresses modérées et 6 années de sècheresses fortes.
Figure 2 : Indice de précipitation standardisé de la commune de Kombissiri de 1980 à 2020.
Validation des classifications
Les résultats de la classification des images ont été validés en se basant sur les paramètres mesurables que sont les statistiques de la séparabilité entre les différentes classes, la matrice de confusion, et le coefficient de kappa. A cela s’ajoutent les observations de terrains et les images Google earth. La précision globale obtenue pour l’image de 2000 est de 98,25 % avec un coefficient de Kappa de 0,98. Pour l’image de 2010, elle est de de 95,90 % avec un indice de Kappa de 0,95. Pour l’image de 2020, la précision a été de 98,76 % avec un indice Kappa de 0,98. Ces valeurs prouvent que plus de 95 % des pixels des trois images ont été correctement classés, conformément aux données de vérité-terrain. De façon globale, les valeurs des différents indicateurs de précision de la classification supervisée obtenues pour les différentes images, traduisent d’une part, la bonne qualité des échantillons, et d’autre part, la bonne correspondance entre le résultat de la classification et la réalité spatiale contenue dans les images.
Résultats cartographiques de l’occupation du sol de 2000 à 2020
Les résultats issus de la classification supervisée des images Landsat ont permis d’aboutir aux différentes cartes d’occupation du sol de la ZPG-S pour les années 2000, 2010 et 2020 (Figure 4, 5 et 6). Au total, six unités d’occupation du sol ont été identifiées à l’issue des analyses : forêt galerie (FG), savane arborée (SA), savane arbustive (Sa), culture pluviale et territoire agroforestier (CTPA), sol nu (SN), et surface en eau (SE). Les habitats, par manque de clarté des images, n’ont pu être classifiés ; mais sur le terrain, nous avons remarqué leur présence à l’intérieur de la zone. L’analyse des trois cartes d’occupation montre :
- En 2000, la savane arbustive est prédominante et s’étend sur presque toute l’étendue dans la zone pastorale. Les zones de cultures sont essentiellement présentes dans la partie Nord-est de la zone pastorale, et un peu aux abords de la zone (Figure 4).
- En 2010, la savane arbustive est toujours pratiquement dominante sur l’aire. Par contre, elle a régressé dans ses parties Est, Ouest et Sud (Figure 5) au profit des cultures et des sols nus.
Figure 3 : Occupation du sol de la Zone pastorale de Gaongo-sud en 2000, 2010 et 2020
La même situation est observée au niveau de la savane arborée, marquée par une petite expansion de la classe savane arborée, observée surtout aux abords des cours d’eau de la zone.
-L’occupation du sol de la zone pastorale en 2020 est marquée par une expansion considérable des sols nus et des cultures au détriment de la savane arbustive (Figure 6) qui voit sa zone de couverture se réduire au fil du temps. De manière générale, l’analyse des trois cartes montre une expansion des zones dépourvues d’espèces végétales (ligneux surtout), et des terres agricoles au détriment de la végétation naturelle qui diminue de plus en plus. L’analyse de la dynamique d’occupation du sol donnera plus de précision sur l’occupation du sol dans la zone pastorale de 2000 à 2020.
Evolution moyenne annuelle des unités d’occupation dans la Zone Pastorale de Gaongo-sud entre 2000 et 2020
Les valeurs positives des taux d’évolution révèlent une augmentation, tandis que celles négatives montrent une diminution des superficies (Tableau 2). Entre 2000 et 2010, il y a une augmentation des superficies initiales des classes d’occupations comme le sol nu +70,02 %, la forêt galerie +3,10 %, et la disparition de la classe surface en eau -0,01 % en 2000. Cependant, les cultures pluviales et territoires agroforestiers et la savane arbustive, ont connu une régression, respectivement de -27,29 % et -2,83 % par an de leur superficie initiale en 2000. Pour la période 2010-2020, le tableau indique une diminution annuelle de l’ordre -5,5% pour la savane arbustive, alors qu’une augmentation moyenne annuelle respective de +19,94 %, +12,38 %, +1,14 % et +4,67 % est observée au niveau des culture pluviale et territoire agroforestier, forêts galerie, formations savanicoles et des sols nus. Cette situation conduit globalement à une diminution des superficies des formations végétales au profit des champs et jachères et des sols nus. Entre 2000 et 2020, on note que les formations de savanes arbustives ont régressé de l’ordre de -4,17 %, et celle des cultures pluviales et territoires agroforestiers ont régressé de l’ordre de -3,68 % l’année. Cependant, dans cette même période, on constate des progressions au niveau des unités telles que la Forêt galerie, la Savane arborée et les Sols nus respectivement avec +7,74 %, +6,30 % et +37,35 %.
Tableau 2 : Evolution moyenne annuelle des unités d’occupation de la Zone Pastorale de Gaongo-sud entre 2000 et 2020
Légende : CPTA : Culture pluviale et territoire agroforestier ; FG :Forêt galerie ; SA : Savane arborée ; Sa : Savane arbustive ; SN : Sol nu et SE : Surface en eau.
Evaluation des changements entre les classes d’occupation du sol de la ZP entre 2000 et 2020
Les analyses précédentes montrent des changements d’unités d’occupation entre 2000 et 2020. La matrice de transition qui est une méthode permettant de décrire de manière condensée, sous forme de matrice carrée les changements d’état des éléments d’un système pendant une période donnée, nous a permis de voir la conversion de chaque unité d’occupation de la zone pastorale de Gaongo-sud entre la période 2000 à 2020. Cette matrice ne contient pas d’informations sur la distribution spatiale des changements ni sur leurs causes, mais tient uniquement compte des états initiaux et finaux des éléments. Le tableau 4 nous fait une synthèse des conversions des différentes unités d’occupation du sol en hectare des périodes de 2000-2010, 2010-2020 et 2000-2020 -T.
Tableau 3 : Matrice de transition des unités d’occupation (ha) de la zone pastorale de 2000 à 2020
Légende : CPTA : Culture pluviale et territoire agroforestier ; FG :Forêt galerie ; SA : Savane arborée ; Sa : Savane arbustive ; SN : Sol nu et SE : Surface en eau.
L’analyse de la matrice de transition entre 2000 à 2010, montre que 861,37 ha des 884,03 ha de la superficie de l’aire occupée par les cultures pluviales et territoires agroforestiers se sont transformées en d’autres unités d’occupation, contre seulement 22,66 ha demeurés inchangés. Les premiers bénéficiaires de cette conversion sont les sols nus et les savanes arbustives avec respectivement 729,37 ha et 131,82 ha, ainsi que la savane arborée avec 0,18 ha. Il faut relever qu’au niveau de la forêt galerie, bien que 40,54 ha de ses 85,33 ha soient restés sans changement, elle a subi une importante transformation avec 37,62 ha de sa superficie qui se sont transformées en savane arbustive et 7,15 ha en savane arborée. La savane arborée, apparue du fait de la disparition de la forêt galerie a également subi une importante transformation en perdant 39,28 ha au profit de la forêt galerie, 60,23 ha au profit de la savane arbustive, ainsi que 1,13 et 0,45 % respectivement au profit des sols nus et des cultures pluviales entre 2000 et 2010. Plus de la moitié de sa superficie soit 141,06 ha, est restée inchangée sur le total de 242,14 ha de cette unité d’occupation. Une autre classe d’occupation des terres qui a subi d’importantes transformations, est celle qui représente la savane arbustive. Si plus de la moitié de la superficie totale soit 3754,11 ha est restée inchangée, une bonne partie a été cependant convertie en d’autres unités soit 850,52 ha pour les sols nus, 613,39 ha pour la savane arborée, 36,48 ha pour la forêt galerie et 34,58 ha qui ont évolué vers les formations de cultures pluviales. La matrice de transition de 2010 à 2020, montre que seulement 10,37 ha des cultures pluviales sont restés sans changement en 2020 ; pendant que 47,32 ha ont subi une conversion vers d’autres classes dont 36,62 ha pour les sols nus, 5,69 ha pour les savanes arbustives, 4,22 ha pour la savane arborée et 0,79 ha pour les forêts galeries. Les formations de forêt galerie ont conservé 63,39 ha de leur superficie de 2010 à 2020, contre 49,23 ha qui se sont transformés en savane arbustive, 3,15 ha en savane arborée, 0,45 ha en sol nus et 0,09 ha en cultures pluviales. Pour ce qui est de la superficie de la savane arborée entre 2010 et 2020, on note une conservation de 401,38 ha sur les 761,78 ha contre une transformation de 254,75 ha au profit de la savane arbustive, 86,35 ha au profit de la forêt galerie, 15,80 ha au profit des sols nus et 3,51 ha au profit des cultures pluviales. Le plus fort taux de conversion se retrouve au niveau de la savane arbustive avec 1895,73 ha de superficie sans changement sur 3984,14 ha contre 1287,59 ha qui ont été transformés en sols nus. On note également que 124,07 ha, 242,50 ha et 434,26 ha ont muté respectivement en cultures pluviales, forêts galerie et savane arborée. Les sols nus quant à eux ont conservé plus de la moitié de leur superficie, soit 1184,71 ha sur 1582,46 ha dans la même période et ont perdu 285,83 ha, 93,64 ha, 10,26 ha et 8,01 ha respectivement au profit des cultures pluviales, la savane arbustive, la savane arborée et la forêt galerie. Entre 2000 et 2020, on constate que sur les 884,03 ha qu’occupaient les cultures pluviales et territoire agroforestier, seuls 115,09 ha sont restés intacts ; 714,22 ha sont convertis en sols nus ; 49,95 ha en savane arbustive ; 1,08 ha en savane arborée et 3,69 ha en forêt galerie. Au niveau des forêts galeries, 49,05 ha ont été transformés en savane arbustive, 1,44 ha en savane arborée et 34,84 ha sont restés stables. Pour les savanes arborées, sur 242,14 ha d’occupation, 101,61 ha se sont transformés en savane arbustive, 6,26 ha en sols nus et 1,26 en cultures pluviales pendant que 73,26 ha sont devenus de la forêt galerie et 59,75 ha qui sont restés sans changement. L’installation des sols nus et des cultures pluviales s’est faite au détriment de la savane arbustive, soit respectivement 1803,26 ha et 307,51 ha pour 5289,09 ha de superficie totale entre 2000 et 2020. On remarque aussi un gain au niveau des savanes arborées soit 790,99 ha, et forêts galerie soit 289,25ha. La superficie conservée de la savane arbustive est 2098,08 ha. Par ailleurs, pour cette même période, on remarque une transformation des surfaces en eau en savane arbustive, soit 0,36 ha.
- Conclusion
Il ressort de ces résultats obtenus que la zone pastorale de Gaongo-sud est confrontée à une dégradation de ses ressources, qui se traduit par une forte réduction de la superficie des savanes arborées (-101,61 ha) au profit des savanes arbustives, et également par la transformation des savanes arbustives en des sols nus (-1 803,26 ha) et des cultures pluviales (-307,51 ha) sur la période 2000-2020. Ces résultats permettent de tirer la sonnette d’alarme à l’endroit des autorités en charge de la zone pastorale qui se doivent de développer des initiatives de gestion concertée et inclusive, d’activités de cultures fourragères et de récupérations des terres dégradées, gage d’un développement de l’activité pastorale dans cette localité.
SANOU Lassina1*, SANON Zezouma1, DELMA Barkwemdé Jethro1, TENKODOGO Pascal2
1Centre national de la recherche scientifique et technologique (CNRST)/Institut de l’Environnement et de Recherches Agricoles (INERA), Ouagadougou, Burkina Faso
2Centre Régional AGRHYMET, Niamey, Niger
*Auteur correspondant : SANOU Lassina ; email : lassina.sanoulassina@gmail.com
- Références bibliographiques
SANOU L., TENKODOGO P., SANON Z., NACRO H.B. 2022. Dynamique spatio-temporelle des ressources pastorales au Burkina Faso : cas de la zone pastorale au Sud de Gaongo. Revue Ecosystèmes et Paysages (Togo), 1(2). e-ISSN(Online) :2790-3230.
TENKODOGO P., 2022. Dynamique spatio-temporelle des ressources pastorales au Burkina Faso : cas de la zone pastorale de Gaongo-Sud. Centre Régional AGRHYMET, Niamey (Niger), Mémoire de master en pastoralisme, 109 p.