Les sites de métallurgie ancienne du fer du Burkina Faso ont été inscrits, le 5 juillet 2019, sur la liste du Patrimoine mondiale de l’Unesco. C’était lors de la 43e session du Comité du Patrimoine mondial, tenu à Bakou en Azerbaïdjan. Cette inscription, après celles des Ruines de Loropéni (2009) et du Complexe W-Arly-Pendjari (2017), est une victoire énorme. Elle apporte un éclairage nouveau sur l’histoire de la métallurgie du fer. Nous vous proposons de découvrir ces différents sites burkinabè…
Les sites de métallurgie ancienne du fer inscrits au Patrimoine mondial de l’Unesco comme un bien en série de cinq (5) sites sont situés dans les communes suivantes : Kaya, province de Sanmatenga (Tiwêga) ; Zitenga, province d’Oubritenga (Yamané) ; Tougo, province de Zondoma (Kindibo) ; Békuy, province de Tuy (Békuy) ; Douroula, province de Mouhoun (Douroula).
L’inscription des sites de métallurgie ancienne concerne l’ensemble des sites ci-dessus qui comprennent une quinzaine de fourneaux debout, plusieurs structures de fours, des amas des scories, des mines, et quelques traces d’habitations. Les cinq sites proposés pour inscription en série couvrent 122,3 hectares de surface. Les zones tampons couvrent une aire totale de 797,5 hectares.
Valeur universelle exceptionnelle
Selon l’organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco), les cinq éléments constitutifs du bien témoignent de l’ancienneté et de l’importance de la production du fer ainsi que de son impact sur les sociétés précoloniales dans la zone sahélienne du Burkina Faso. Avec une datation remontant au VIIIe siècle avant notre ère, Douroula est le témoin le plus ancien du développement de la production du fer actuellement identifié sur le territoire du Burkina Faso, et illustre cette première phase relativement précoce du développement de la production de fer en Afrique. Tiwêga, Yamané, Kindibo et Békuy possèdent tous les quatre des fourneaux de réduction du minerai de fer remarquablement bien conservés. Ce sont également les très rares sites qui ont des fourneaux en élévation au Burkina Faso. Ce sont des sites de production massive qui, par leur ampleur, illustrent l’intensification de la production du fer au cours du second millénaire après notre ère, au moment où les sociétés d’Afrique de l’Ouest deviennent de plus en plus complexes. Le bien est directement associé à des traditions vivantes portées par les forgerons à Yamané, Kindibo et Douroula. Ces traditions s’expriment aujourd’hui par des valeurs symboliques liées à la technologie du fer au sein des communautés descendantes des forgerons et des métallurgistes.
Des critères de l’inscription
Selon l’organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco), plusieurs critères ont prévalu à l’inscription des sites de métallurgie ancienne du fer.
Tout d’abord, les sites de métallurgie ancienne du fer sont des témoins exceptionnels d’une tradition unique de réduction du minerai de fer, laissant aux communautés actuelles burkinabé un riche héritage technique et culturel. Douroula illustre cette première phase du développement de la production de fer en Afrique et démontre que la technologie de production du fer est déjà largement diffusée vers 500 avant notre ère dans toute la région. Tiwêga, Yamané, Kindibo et Békuy sont des sites de production massive qui illustrent l’intensification de la production du fer dans toute la zone sahélienne du Burkina Faso au cours du second millénaire après notre ère.
Ensuite, les sites de métallurgie ancienne du fer sont des exemples éminents illustrant la variété des techniques traditionnelles de réduction du minerai de fer au Burkina Faso. Les fourneaux ont conservé la totalité ou la quasi-totalité de leur élévation et présentent des particularités morphologiques qui permettent de les différencier. D’autres vestiges sont associés aux fourneaux, comme d’immenses amas de scories et des traces d’extraction minière, ainsi que des traditions techniques encore vivantes. L’apparition très ancienne à l’échelle mondiale de cette technologie a eu des conséquences significatives sur l’histoire des peuples africains.
Enfin, les sites de métallurgie ancienne du fer du Burkina Faso sont directement associés à des traditions vivantes portées par le groupe socioprofessionnel des forgerons. Ces traditions s’expriment aujourd’hui par des valeurs symboliques liées à la technologie du fer au sein des communautés descendantes des forgerons et des métallurgistes. Maîtres du feu et du fer, les forgerons perpétuent des rites et des pratiques sociales ancestrales qui leur confèrent un rôle important au sein de leurs communautés à Yamané, Kindibo et Douroula.
L’intégrité des sites
Selon l’organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco), les sites de la métallurgie ancienne du fer abritent dans leurs limites tous les attributs essentiels qui leur confèrent une valeur universelle exceptionnelle. Ils ont tous été préservés dans leur intégrité et dans leur environnement sans perturbation majeure au cours des siècles. Aucun fourneau n’a fait l’objet d’un démontage ou d’un déplacement ni d’actes de destruction par vandalisme. Seule la base de fourneau de Douroula qui a livré la date la plus ancienne a fait l’objet d’aménagement pour assurer sa protection. L’éloignement des habitations et le caractère sacré de ces zones liées aux forgerons sont une garantie de protection de l’intégrité. Néanmoins, les conditions d’intégrité sont vulnérables du fait de l’érosion hydrique et éolienne des sols, les cycles de sécheresse et corolairement, la désertification, la colonisation de certains fourneaux par des termites et des arbres et l’orpaillage.
De l’authenticité des sites
Les sites, selon l’organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco), témoignent d’une continuité de production sur plus de 2700 ans, de la maîtrise des procédés de réduction et de transformation du fer, ainsi que de l’apport essentiel de cette technologie à l’histoire des peuplements africains, et non seulement à l’histoire des peuples du Burkina Faso. Les cinq sites de métallurgie du bien expriment une valeur universelle exceptionnelle tant par l’âge du phénomène, la forme des structures de réduction, la complétude des éléments du complexe métallurgique, la diversité et la richesse des techniques architecturales, ainsi que par les traditions des forgerons encore vivantes aujourd’hui. L’état limité de la documentation dans les zones du bien et leur zone tampon rend cependant les conditions d’authenticité vulnérables. Le maintien de l’authenticité devra constituer un axe important de la gestion du bien afin de maintenir la résilience des traditions liées au travail de la forge.
Le complexe métallurgique de Tiwêga
Le site de Tiwêga se situe à environ 5 km à l’ouest de la ville de Kaya. Les trois fourneaux encore debout, à induction directe, sont construits dans une sorte de cirque de 15 ha, entourée de collines cuirassées. Ce sont des fourneaux fonctionnant par tirage naturel d’air. Ils sont dans des états de conservation variés. Les deux fourneaux les mieux conservés ont une forme tronconique, dont la partie inférieure est construite avec des fragments de tuyères et un enduit de terre argileuse, tandis que la partie supérieure utilise des fragments de scories. Le troisième fourneau au 2/3 effondré se dresse en son plus haut point sur 1,20 m.
Le complexe métallurgique de Yamané
Le site de Yamané se compose de deux principaux fourneaux, à induction directe, et conservés sur une hauteur de 2,10 mètres. Leur diamètre à la base est de 1 mètre. L’un a une forme tronconique régulière, avec un léger rétrécissement de son diamètre au fur et à mesure qu’il s’élève. Ils sont construits selon le même principe, avec une alternance de couches composées de terre latéritique, de fragments de tuyères et/ ou de scories disposés horizontalement.
De nombreuses bases de fourneaux, de différents types sont visibles, ainsi que des amas dispersés de scories, des mines et des buttes anthropiques. Des fouilles effectuées sur des fourneaux proches ont été datées entre le XIIIe et le XIVe siècle de notre ère. Leur abandon se situe au cours de la période coloniale. Les traditions actuelles attribuent ces fourneaux aux forgerons de la communauté des Moosé encore présents dans le village, qui continuent de produire des outils métalliques avec du fer de récupération.
Le complexe métallurgique de Kindibo
Le site de Kindibo comprend trois fourneaux debout, à induction directe, et de forme tronconique, allant jusqu’à 2,30 mètres de hauteur. Deux sont oblongs (hauteurs respectives de 2,10 m et 2,30 m), le troisième est de forme trapue (hauteur 1,85 m seulement). Leurs diamètres sont de 1,10 m pour les deux premiers et 1,50 m pour le troisième. Les fourneaux sont constitués de cercles 50 successifs réalisés avec des boudins de terre disposés en oblique. La construction de ces fourneaux est située entre les Xe et XIe siècles de notre ère par des populations prédagomba, antérieures aux Moosé. Des bases de fourneaux, d’un type plus tardif, attribuables aux Moosé et datées après le XVe siècle de notre ère ont été identifiées, ainsi que des mines d’extraction, avec dix (10) puits d’accès, et un ancien site d’habitat caractérisé par des buttes recouvertes de tessons. Proche du site, une famille de forgerons continue de perpétuer les savoirs liés à la forge.
Le complexe métallurgique de Douroula
Situé dans la même aire culturelle que Békuy, le site de Douroula se trouve dans une plaine cultivée, comprend les vestiges d’un fourneau, de type semi-souterrain, et daté du VIIIe siècle avant notre ère, le plus ancien connu à ce jour au Burkina Faso. Il se présente sous la forme d’un creux tronconique dans le sol, avec des parois faites de terre latéritique partiellement cuite lors de son utilisation. Des champs de scories, une carrière de minerai, avec des cavités creusées dans la roche latéritique, et des buttes anthropiques ont été recensés. Le site est attribué aux anciens métallurgistes de la communauté des Bwaba. Trois ateliers de forgerons fonctionnent toujours au village de Douroula.
Le complexe métallurgique de Békuy
Situé dans la forêt classée de Maro, le site de Békuy est atypique et remarquable par la quantité de scories amassées qui forment parfois des talus atteignant 11 mètres de hauteur et plus de 500 mètres de longueur. Dans la forêt de Maro, c’est-à-dire la zone tampon, une prospection archéologique a permis l’identification de 33 ateliers. Le plus impressionnant s’étend sur environ 3 ha, l’on y identifie des scories qui forment des collines hautes de près de 11 m, avec une concentration de 17 abris de fourneaux distinctement identifiables.
Éléments requis en matière de protection et de gestion
Selon l’organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco), le bien est protégé au niveau national par un ensemble de lois, auxquelles s’ajoute la protection traditionnelle assurée par les communautés locales sur la base du droit coutumier. La gestion est également assurée au niveau local par les communautés à l’exception du site de Békuy situé dans la forêt classée de Maro.
Un système de gestion, établit pour la période 2018 à 2022, s’appuie sur les plans de gestion de chacun des cinq sites et constitue l’outil principal de gestion durable du bien. Le bien est géré au plan de la réflexion et des orientations par un Comité national de gestion et au plan pratique par la Direction des Sites Classés Patrimoine Mondial. Le comité national de gestion exerce une autorité et un contrôle sur l’ensemble des questions relatives aux sites. À l’échelle de chaque site un comité local est mis en place pour veiller à la gestion durable du bien par les communautés locales. Ce comité aura pour boussole le plan de gestion du site et les orientations du comité national de gestion.
Jean-Yves Nébié