La 2e édition du Rendez-vous du Coton Bio a réuni, le 23 mars 2024, les membres de la Coalition pour la transformation du coton bio (CTCB) à Ouagadougou. Nous avons donné la parole à des acteurs de la filière.
Dr Larbouga Bourgou, chercheur et sélectionneur coton, chef du programme coton à l’Institut de l’Environnement et de Recherches Agricoles (INERA). Le cotonnier arbre a fait l’objet de sa thèse de doctorat.
« Je pense que toute promotion réussie de culture du coton, conventionnel ou biologique, est toujours portée par la recherche. Et le cas du coton bio ne fait pas exception. La recherche cotonnière, en accompagnement de la culture du coton biologique, intervient à plusieurs niveaux. D'abord, c’est la recherche qui crée les variétés que le coton bio utilise. Les variétés ne sont pas au départ dédiées uniquement au coton bio. Ce sont des variétés dédiées au coton conventionnel. Il y a une dérogation officielle qui permet qu’on utilise donc les variétés de coton conventionnel pour la production bio. A ce niveau, il y a eu plusieurs discussions où il était question que l’Union nationale des producteurs de coton du Burkina (UNPCB) intervienne auprès de la recherche, avec peut-être un contrat spécifique, comme le font les sociétés cotonnières pour créer une variété, spécifiquement au coton bio ; c’est-à-dire une variété sur laquelle l’on va maximiser les caractéristiques qui intéressent le coton bio telles la précocité, la qualité supérieure de la fibre, etc. Après la création de la variété, il y a les semences et c’est nous qui en donnons les premières générations à l’UNPCB. Ils ont des fermes relais à l’intérieur desquelles sont produites les semences certifiées pour les producteurs. Il y a aussi, au niveau agronomique, un accompagnement qui consiste à montrer aux producteurs, l’itinéraire technique adapté. Ce qu’il faut planter et ce qu’il faut apporter à la plante. Il s’agit par exemple de la technologie du compostage en tas et bien d’autres qui ont été développées pour que le producteur puisse mieux amender son champ parce qu’il s’agit d’un champ de production bio. Il y a également l’entomologiste qui intervient avec une gamme de produits naturels ou industriels adaptés au coton bio. Le cotonnier arbre expérimenté à Loumbila par Lassena Toé est le gossypium barbadense caractérisé par des graines soudées en rognons. C’est un cotonnier d’une belle douceur. Il est souvent appelé le coton égyptien parce que beaucoup cultivé en Egypte. Cette espèce est connue pour avoir une bonne qualité de fibre, avec entre 30 et 40 mm de longueur. Les autres caractéristiques sont au vert, comme la colorimétrie, la ténacité ou la résistance à la rupture. Sauf que les micronaires (grosseur du fil) sont gros (souvent>5), au-delà de la fourchette demandée (3,8 à 4,2). Je comprends que l’on s’oriente vers cette espèce puisqu’elle a les meilleures caractéristiques pour ce qui concerne la fabrication du fil et du tissu qui va s’ensuivre. A côté de cette espèce, il y en a au moins deux autres qui sont rencontrées au Burkina : L’espèce gossypium arboreum est caractérisée par des fleurs rouges et des feuilles digitées. Et tout naturellement l’espèce Gossypium hirsutum dans laquelle figurent des variétés annuelles que nous connaissons. Mais il y a aussi d’autres variétés à tendances pérennes ».
Rodrigue Tougma, agronome spécialisé dans la production biologique et agro-écologique. Il est également spécialiste de la certification aussi appelée assurance qualité des produits agricoles. C’est l’un des animateurs principaux des panels du jour.
« Je retiens de cette 2e édition du RDV du Coton Bio, la participation et la diversité des acteurs présents. Qu’il s’agisse des producteurs et des transformateurs de cette filière textile, des structures de formation, des partenaires techniques et financiers ou encore des particuliers. Au-delà des difficultés, il y a de l’espoir. De l’espoir parce que les gens sont engagés et prêts à développer la filière. Je pense que la production biologique est une production qui promeut une production pour ceux qui sont là et assure aussi la protection de l’environnement pour les générations futures. Il est donc important de promouvoir ce type de production et avoir des personnes engagées dans ce sens. Il s’agit aussi de sensibiliser les structures étatiques et les consommateurs pour qu’ils comprennent qu’en achetant du bio, c’est toute une filière qui gagne et l’environnement aussi. La production conventionnelle ne permet pas de satisfaire tous les besoins parce que le Burkina a besoin d’atteindre l’autosuffisance alimentaire. Ce type de production détruit le sol. Même si théoriquement, avec la production biologique, nous n’atteignons pas cette autosuffisance, nous ne détruirons pas l’outil principal de production qui est le sol, qui est l’environnement. Mais au-delà, des études, au niveau international, ont été faites et vulgarisées par la FAO et qui disent qu’on peut nourrir le monde avec l’agriculture biologique et l’agro-écologie. Cela veut dire qu’au niveau mondial, cette agriculture peut nourrir le monde. Mais on comprend qu’il y a des intérêts par rapport à l’agrochimie qui ne permettent pas d’avancer de façon ferme pour que l’on adopte cette manière de produire qui est l’agriculture biologique ou l’agro-écologie ».
Clotilde Ouédraogo, membre de la CTCB
« C’est pour la deuxième édition du Rendez-vous du coton bio que nous sommes ici. Justement pour la promotion de la filière coton, de la production jusqu’à la transformation. Je suis la fondatrice d’Authentique Racine. Nous sommes spécialisés dans le tissu d’ameublement, dans le textile d’intérieur. Parce que j’ai fait un constat qu’aujourd’hui au Burkina, malgré le coton sur place, nous avons très peu de structures qui sont spécialisées dans le textile d’intérieur. On s’est rendu compte que certaines personnes souhaitent utilisées le coton, le Faso Dan Fani pour faire de la décoration d’intérieur. Mais on ne peut pas utiliser le tissu vestimentaire comme le tissu d’ameublement. Je me suis donc spécialisée dans tout ce qui est textile d’intérieur, avec les accessoires comme les pyjamas, les draps de lit, les nappes de table, les rideaux, etc. Au-delà du coton biologique que je travaille, il était naturel pour moi de travailler aussi la teinture naturelle puisque je ne souhaitais pas utiliser le coton bio et adjoindre de la teinture chimique. On ne se rend pas compte que lorsqu’on utilise le coton, les produits qui sont dans ce coton pénètrent notre corps et aussi notre environnement. On regorge pourtant de beaucoup de plantes tinctoriales, c’est-à-dire des plantes à base desquelles, on peut avoir des teintures naturelles. Tout à l’heure j’étais en train de faire une démonstration à partir de trois plantes qu’on utilise communément à Ouaga, le pegnenga, le singa et le monom. A partir de ces trois plantes on peut obtenir une multitude de couleurs en fonction du temps de trempage, de l’intensité des produits, etc. ».
Heather Mackenzie-Chaplet est arrivée au Burkina pour créer sa marque de vêtements, « des vêtements qui ne font mal ni aux personnes ni à la nature » dit-elle.
« J’ai fait un tour en Afrique de l’Ouest (Sénégal, Bénin, Burkina Faso) pour voir où cela était possible de réaliser mon projet. Nous voulions trouver, mon mari et moi, le pays où il serait plus intéressant de nous lancer dans ce domaine. Nous avons découvert le Burkina, pour la première fois, en 2009. Nous avons pu constater qu’humainement, il y avait une grande richesse et une bonne communication dans ce pays. Il y avait aussi qu’historiquement, le Burkina avait cette volonté de produire localement et de tirer une fierté des productions locales. Nous avons vu qu’il y avait cette possibilité de faire quelque chose d’intéressant au Burkina Faso. Je suis revenu en 2010 et j’ai commencé les prototypes. En 2011, j’ai fondé notre petite société qui s’appelle Xoomba. Xoomba est une marque d’habits. Ça m’amuse de créer, c’est vraiment une passion pour moi que de créer des habits. Mes créations sont difficiles à décrire. Ce n’est pas culturel et il n’y a pas de références très claires. En fait, ce qui m’intéresse ce sont les mouvements du corps et comment créer quelque chose de fluide qui puisse justement faciliter ces mouvements. Les vêtements que je crée sont pour hommes et femmes bien que je penche plus vers les habits féminins. Je joue beaucoup sur le biais pour permettre l’élasticité. Ce n’est pas facile à réaliser mais cela qui m’intéresse parce que ça donne beaucoup de fluidité au corps et aussi des lignes contemporaines. Mais je mutualise beaucoup les ressources que je trouve. Je facilite les relations entre d’autres designers et les tisserands. Je fournis aussi d’autres designers en tissus et ce volet, je peux dire, prend souvent le dessus. Il y a une demande extérieure pour travailler avec les artisans d’ici et ce n’est pas toujours facile à distance. Je suis sur place et avec mes relations, cela facilite les choses. Il y avait du fil coton et on s’est dits que c’était bien parce qu’on avait ce qu’il fallait. Très vite, il n’y en avait plus. On s’est rendu compte que ce n’était pas aussi facile que cela. On a dû tout arrêter pendant un an et attendre la prochaine récolte. Il y avait beaucoup de ruptures de stocks et c’était vraiment compliqué. Nous n’étions pas les seuls à avoir ces problèmes. Et on s’est dit qu’en se mettant ensemble, nous pouvons faire savoir nos besoins et notre demande ».
Emile Nikiéma, styliste modéliste, a créé son atelier au Burkina il y a cinq ans
« J’ai passé pas mal de temps en Europe en tant que styliste modéliste. J’ai été chef de production et j’ai travaillé pour bon nombre de sociétés. Ce qui m’a permis de voyager beaucoup. Dans mon métier, il s’agit de contrôler la qualité du travail. Il se trouve qu’aujourd’hui, après tant d’années passées en Europe, je suis rentré au Burkina. J’ai créé un atelier et dans celui-ci, j’ai ramené le matériel. Ce qui m’a permis de continuer à faire le même travail. Cet atelier m’a permis de former d’autres personnes, pas dans le digital mais dans la fabrication parce qu’il y a encore un souci à ce niveau. Et je me suis rendu compte qu’au Burkina, la production des tailleurs est souvent mal finie. J’ai eu donc à former des jeunes tailleurs à l’atelier. J’ai adhéré à la CTCB parce qu’on se retrouve entre mis et finalement cela m’intéressait de pouvoir parce qu’il y a une mutualisation des membres qui offre un cadre d’expression. Mon rôle ici c’est d’aider les autres membres qui peuvent travailler avec ce logiciel. Que l’on puisse réaliser les commandes qu’ils ont à l’extérieur parce que nous avons le matériel pour ça. Il se trouve qu’aujourd’hui le digital est très important. J’y travaille avec des amis qui m’ont approché. Nous avons reçu de l’extérieur (suisse) une commande pour des tee-shirts bio. C’est grâce aux appareils que j’ai que j’ai pu travailler au millimètre près. Le digital permet de réaliser des choses que l’on ne pas manuellement. Ce qu’on fait dans le digital, on le fait aussi manuellement mais avec moins de précision et moins de rapidité. Quand on travaille avec le digital, on peut communiquer avec beaucoup d’usines à l’extérieur et multiplier les commandes ».
Abrandi Arthur Liliou