Nouvelle Vision ESAF, en collaboration avec Initiative Tin Laa, a organisé, du 27 au 29 septembre 2024, à Gounghin (Ouagadougou), la première édition du Festival Bayiri Boumbou, sous le thème : « Alliance et parenté à plaisanterie : un héritage précieux pour un vivre-ensemble harmonieux au Burkina Faso ».
Concrètement, l'objectif principal du Festival Bayiri Boumbou est de valoriser et de pérenniser les alliances et les parentés à plaisanterie, pratiques culturelles ancestrales dont le but est de prévenir et résoudre les conflits.
Pour cette édition, plusieurs activités ont été menées : Des spectacles et animations culturelles mettant en scène les traditions des différentes communautés liées par la parenté à plaisanterie ; des conférences, ateliers et débats animés par des experts et des personnalités issues du monde universitaire, de la société civile et des communautés ; des expositions présentant des objets d'art, des photographies et des documents retraçant l'histoire et les pratiques de la parenté à plaisanterie ; des moments de partage et de convivialité autour de repas et de festivités mettant en avant l'hospitalité et la joie de vivre propres à la culture burkinabè, etc.
Selon Christophe Lompo, Initiateur du Festival Bayiri Boumbou, il était important de mettre en œuvre ce projet.
« Face à l'érosion de certaines valeurs culturelles et à l'accentuation des tensions intercommunautaires, à la crise sécuritaire dans notre pays, il est crucial de valoriser et de pérenniser la parenté à plaisanterie. Ce système de relations sociales ancestrales joue un rôle crucial dans la promotion de la paix, du vivre-ensemble et du respect mutuel entre les communautés. Dans ce sens, nous avons décidé de mettre ce festival en place pour célébrer cette tradition », a-t-il affirmé.
Les alliances et parentés à plaisanterie, des facteurs d'union et de cohésion sociale
Pour Daaga Nassouri, Député à l'Assemblée Législative de Transition (ALT), cette initiative est à saluer.
« Il est vrai que nous vivons, depuis quelques années, une crise sécuritaire et humanitaire. Mais, nous avons aussi des crises communautaires, conséquences de cette crise sécuritaire et humanitaire. Toutefois, nous devons nous souvenir de l'héritage légué par nos ancêtres : les alliances et parentés à plaisanterie. Ce sont des mécanismes astucieux de prévention et de résolution des conflits qu'ils ont mis en place et qui fonctionnent. Ce sont des piliers de notre vivre-ensemble harmonieux que nous devons remettre à la lumière, que nous devons promouvoir et transmettre à nos enfants. C'est dans ce sens que cette initiative est louable parce qu'elle remet en surface cette richesse culturelle ancestrale », a-t-il déclaré.
Dans le même sens, Dr Mamounata Belém/Ouédraogo, Directrice de recherche au CNRST/INERA, co-marraine, a salué la ténacité des organisateurs.
« Pour une première édition, ce n'est pas mal. Je tenais à les encourager à persévérer et à organiser d'autres éditions du festival », a-t-elle ajouté.
Par ailleurs, Mamoudou Namontougou, Directeur régional de la Culture, des Arts et du Tourisme du Centre, représentant du ministre d'État, ministre de la Communication, de la Culture, des Arts et du Tourisme, a une fois de plus rappelé l'importance des alliances et parentés à plaisanterie.
« Les alliances et parentés à plaisanterie sont nées pour prévenir ou résoudre les conflits. Et nous avons aujourd'hui un festival qui s'est donné pour mission de promouvoir ces legs important afin de nous aider à résoudre la crise sécuritaire et humanitaire dans notre pays. Et nous encourageons les promoteurs à pérenniser l'initiative. L’État burkinabè est prêt à les accompagner pour l'initiative grandisse et que nous continuons de transmettre les valeurs de la parenté à plaisanterie à nos enfants. Nous encourageons aussi tout le monde à accompagner le festival pour que les objectifs soient atteints », a-t-il indiqué.
En plus, Ousmane David Zanné, représentant du ministre d'État, ministre de la Fonction publique et de la protection sociale, a aussi félicité les initiateurs et les a encouragés à pérenniser le festival afin de contribuer à promouvoir les alliances et parentés à plaisanterie pour aider à la résolution des conflits communautaires et de la crise sécuritaire et humanitaire.
« Merci aux organisateurs d'avoir eu l'idée géniale d'aller puiser dans nos riches patrimoines ces leviers qui contribuent à la paix et la cohésion sociale entre nos communautés », a-t-il dit.
Alliances et parentés à plaisanterie...
Ces deux pratiques, bien que similaires, ne sont pas exactement les mêmes. Selon Pr Alain Joseph Sissao, Enseignant-chercheur, auteur du livre « Alliances et parentés à plaisanterie au Burkina Faso. Mécanismes de fonctionnement et avenir. », lors de la communication inaugurale de cette édition, a noté des différences.
« On parle d'alliance à plaisanterie lorsqu'il y a un lien entre des ethnies, des clans, des patronymes, des villages, des régions, des individus, qui ont décidé de lier un pacte de non agression et d'assistance dans les situations heureuses ou malheureuses. Elle se fait entre les groupes sociaux communautaires. La parenté à plaisanterie existe lorsqu'il y a un lien intra familial, à l'intérieur de la famille. Entre grands-parents et petits enfants, le mari de la tante paternelle, la sœur cadette de l'épouse, les cousins chez les Peuls, par exemple », a-t-il expliqué.
À l'entendre, ces pratiques touchent plusieurs niveaux : le niveau familial, le niveau clanique, le pacte de sang. Et ces pratiques se manifestent à travers des codes, des interdits (l'interdit de verser le sang d'un allié ou parent à plaisanterie, l'interdit d'insulter la mère de son allié ou parent à plaisanterie, l'interdit de désigner les défauts physiques, etc.).
Les origines de ces pratiques sont racontées à travers des mythes et légendes.
Ces pratiques, selon Pr Sissao, permettent de prévenir et de résoudre les conflits, de transmettre l'envie de découvrir l'autre et sa culture, de nouer des relations entre les hommes, de cultiver la tolérance et les brassages, de réguler la tension par le rire, etc.
Du reste, il affirmé la nécessité de promouvoir l'alliance et la parenté à plaisanterie, afin d'offrir ces richesses culturelles aux futures générations et d'anticiper et résoudre les conflits.
Jean-Yves Nébié
Bibliographie
- SISSAO Alain Joseph, Alliances et parentés à plaisanterie au Burkina Faso. Mécanismes de fonctionnement et avenir. Préface du Professeur Jacques Chevrier. Ouagadougou, Sankofa & Gurli, 2002, 186 p. - ISBN 2-913991-07-6
