L’Université Joseph Ki-Zerbo (UJKZ) a abrité, le 17 octobre 2024, en présence notamment de personnalités du monde universitaire, la cérémonie d’hommage au Pr Amadé Badini, Professeur titulaire de philosophie de l’éducation. C’était à travers un colloque international coorganisé par plusieurs structures dont le Centre d’études sur les philosophies, les savoirs et les sociétés (CEPHISS) et le Centre international Joseph Ki-Zerbo pour l’Afrique et sa Diaspora-Nan lara an sara (CIJKZAD-Nlas). Cette rencontre scientifique, marquée par la présence d’enseignants et de chercheurs venus du Niger, de la Côte d’Ivoire et du Sénégal, se tient du 17 au 19 octobre 2024, sous le thème : « Décolonisation et Endogénéisation : quels repères pour le développement endogène en Afrique ».
D’entrée de jeu, Pr Justin Koutaba s’est réjoui de cette cérémonie d’hommage au Pr Amadé Badini. « c’est un grand privilège et un immense honneur pour moi de prendre la parole en première instance de cette cérémonie hautement solennelle d’hommage à un philosophe, à un maitre, à mon maitre, à mon ainé, à mon formateur, un grand philosophe, une figure de la pensée pensante, un chercheur fécond, un pédagogue émérite, un théoricien et un praticien de l’éducation en Afrique, au Burkina Faso et ailleurs », a-t-il déclaré.
Dr Etienne Kola, Maitre de conférences à l’Université Norbert Zongo, a présenté l’homme qui est honoré en ce jour. D’autres témoignages ont aussi permis d’apprendre sur Pr Amadé Badini. Ainsi, Pr Albert Ouédraogo décrit « un homme de toutes les générations, disponible pour les autres » et Dr Awa carole Bambara, directrice de l’Institut des Sciences des Sociétés (INSS), évoque « un homme d’écoute et de dialogue, un homme au leadership bienveillant ». Pr Serge Théophile Balima, pour sa part, dépeint un homme multidimensionnel : l’éducateur, le professeur des universités de philosophie et l’homme social. «Le Professeur Badini est en fait un bon vivant à ses heures de détente ; un épicurien sachant concilier la sagesse, la prudence et la fidélité… Badini est vraiment un être social au sens le plus complet du terme. Il est généreux dans ses idées, dans ses actes. Il sait partager, il sait communiquer et animer les équipes de travail, et c’est un homme agréable », a-t-il dit du Pr Amadé Badini, non sans anecdotes et humour, suscitant l’hilarité de l’assemblée.
Pr Fatié Ouattara, Président du comité d’organisation du colloque scientifique international dont l’activité phare est de rendre hommage au Pr Badini, s’est satisfait de la tenue effective de cet évènement. Pour lui, ce colloque est la meilleure forme pour permettre à un maitre de parler pour la dernière fois dans un amphithéâtre à ses étudiants. Et Pr Badini donnera, plus tard dans la journée, la leçon inaugurale du colloque. « Je voudrais une fois de plus vous remercier et vous dire d’accepter de nous porter sur vos épaules de géant pour que nous puissions continuer de toujours apprendre de vous, aussi bien dans l’enseignement, la formation, la recherche que dans l’administration et, de facon générale, dans la société. Parce que nous avons décidé de rendre service au Burkina Faso et à la Nation », s’est adressé Pr Fatié Ouattara à celui qu’il appelle son maitre.
Dr Bernard Zouma, Vice-président chargé des enseignements et des innovations pédagogiques, a porté le message du président de l’Université Joseph-Ki-Zerbo, Pr Jean-François Silas Kobiané qui a félicité les organisateurs qui ont tenu le pari de la cérémonie. Il a aussi rendu un vibrant hommage à « un éminent enseignant-chercheur de philosophie, un scientifique aux qualités immenses et un homme aux valeurs intrinsèques énormes ». Et au nom du président de l’UJKZ, Dr Zouma a déclaré l’ouverture du colloque.
De la philosophie en Afrique, par Pr Amadé Badini
Pr Badini, dans sa communication, s’est penché sur le thème de « la problématique de la philosophie africaine ou de la philosophie en Afrique ». Et d’emblée, il préfère le terme « philosophie en Afrique » à celui de « philosophie africaine ».
Il aborde la question sous l’angle de ce qui peut être classé comme philosophie ou pas et des conditions d’existence de celle-ci. Ainsi, à l’entendre, il n’existe pas de philosophie africaine ou allemande à priori, au regard même de la nature de la philosophie. En effet, argumente-t-il, elle n’est pas antérieure aux individus. Pour lui, la philosophie est une écriture ; un texte écrit et signé par une personne. Et en cela, il ne peut y avoir de philosophie orale et encore moins de philosophie collective. Il différencie, de ce fait, la pensée africaine de ce que d’aucuns, à son sens, ont vite assimilé à la philosophie « africaine ». Ensuite, poursuit-il, la philosophie est une œuvre critique qui a la prétention d’être universelle, atemporelle et intéressant tout homme. En outre, pour Pr Amadé Badini, la philosophie est plus une forme qu’un contenu, c’est un niveau auquel on conduit la pensée. Alors, conclut partiellement le philosophe, « On n’apprend pas la philosophie, on apprend à philosopher ». Et on devient philosophe en fréquentant les philosophes, en lisant les œuvres philosophiques et surtout en s’adonnant à la dissertation qui est, définit-il, la pensée en acte à partir d’un sujet donné. Et le professeur s’inquiète de l’avenir de la dissertation et partant, de la philosophie au Burkina Faso. On peut faire, propose Pr Badini, une anthologie des philosophes africains pour pouvoir aboutir à l’existence d’une philosophie africaine.
Du liwaga, par Cyr Payim Ouédraogo
Cyr Payim Ouédraogo, Directeur de publication du journal en ligne Infos Sciences Culture, a communiqué sur le liwaga. Il est le fils du chanteur Maurice Ouédraogo, connu sous le sobriquet de « Maurice et les Mauricettes », créateur du « liwaga-soukouss », vedette des années 1970-1980. Cyr Payim Ouédraogo a baigné dans la musique depuis le plus jeune âge et a même milité dans le groupe des pionniers aux poings levés sous la révolution.
Il explique que Maurice Ouédraogo, infirmier anesthésiste pour qui la musique était une passion, a évolué dans le liwaga, genre musical et danse traditionnelle burkinabè, tout en essayant de créer une fusion, un métissage avec le soukouss d’où le « liwaga-soukouss » qui est aussi le dernier des cinq (5) disques de l’artiste. Le liwaga, ajoute Cyr Payim Ouédraogo, est un des genres musicaux et rythmiques du Yatenga. Et les Mauricettes ont valorisé ce genre, que ce soient sur les grandes scènes de l’époque comme la Maison du Peuple ou ailleurs.
Le panéliste a salué aussi d’autres chanteurs qui ont porté la musique burkinabè et valorisé le patrimoine national dans ces mêmes années 70-80. Et il cite, entre autres, Abdoulaye Cissé, Oger Kaboré, Richard Traoré, Salambo, Pierre Sandwidi…
Il y a plusieurs genres, précise-t-il, que l’on peut retrouver au Yatenga du Nord parce qu’il y a aussi d’autres communautés comme les Yarsé qui ont aussi leur manière de danser, assez intéressante aussi.
Mais au-delà du Yatenga, il y a d’autres genres rythmiques de notre patrimoine national comme le wiré, le wènègda et bien d’autres. Les rythmes du terroir, poursuit-il, ont donc été valorisés par nos artistes, notamment par ceux qui venaient du Nord.
Pour le communicateur, la politique a également favorisé le développement de la musique comme le liwaga en Haute-Volta dans les années 1970, à travers des figures de proue de l’époque comme Gérard Kango Ouédraogo. « Par exemple Adama Gauche, qui est arrivé du village tout jeune, s’est allié à Boureima Gansoré dit Sacoche pour fonder une troupe qui portait bien le liwaga et dont le soutien reposait sur Gérard Kango Ouédraogo », a rappelé Cyr Payim Ouédraogo.
Par ailleurs, pour l’homme qui est célébré ce jour, c’est un sentiment de reconnaissance et de fierté que de voir réunies toutes ces personnes d’horizons divers, à la faveur de l’hommage qui lui est dédié. « C’est le summum de l’émotion et je les remercie tous autant qu’ils sont », s’est-il exprimé.
Du reste, Pr Badini qui a formé six (6) docteurs, a été admis à faire valoir ses droits à la retraite le 30 octobre 2017, après trente-huit (38) années de service. Pr Justin Koutaba, Pr Fatié Ouattara ou encore Dr Etienne Kola ont recu les enseignements de celui qui a débuté sa carrière en 1979 et formé la plupart de ceux qui ont étudié la philosophie à l’Université de Ouagadougou devenue UJKZ.
Abrandi Arthur Liliou