Visites commentées sur les tests du niébé résistant à la foreuse de gousses (Maruca Vitrata), telle a été la mission d’une équipe du Forum ouvert sur la biotechnologie agricole (OFAB), section du Burkina Faso, qui s’est déployée du 22 au 28 octobre 2024 dans les localités de Yabasso, de Koro, de Toumousseni et de Niangoloko. Sur toutes les parcelles visitées, le principal ravageur du niébé, Maruca Vitrata, a été bien contrôlé, suscitant de l’espoir pour les producteurs et de la satisfaction pour l’équipe de recherche de l’Institut de l’Environnement et de Recherches Agricoles (INERA).
Le niébé ou benga en langue moore constitue la première légumineuse à graine au Burkina Faso avec une production moyenne annuelle de plus de 500 000 tonnes. La menace la plus importante pour la production du benga est l’attaque par les insectes nuisibles pouvant engendrer une perte totale de rendement s’ils ne sont pas contrôlés.
La foreuse de gousses, Maruca Vitrata, est l’un des ravageurs le plus redoutable du niébé, avec des pertes de rendement de 20 à 80% (SINGH et al.1990) ; les insecticides de synthèse, sans être réellement efficaces, ont longtemps été utilisés dans la lutte contre la foreuse de gousses et aucune source de résistance naturelle chez le niébé. Afin de fournir une alternative dans la lutte contre ce ravageur, le niébé a été génétiquement transformé pour lui conférer une résistance au lépidoptère (M. Vitrata) via l’expression de la protéine insecticide Cry1Ab provenant de biopesticide largement utilisé, le Bacillus thuringiensis (Bt). Extrait d’un des visuels de communication du Forum ouvert sur la biotechnologie agricole (OFAB), ce message, de portée publique, illustre un tant soit peu la dangerosité de la foreuse tueuse de gousses.
Pour les visites commentées de la deuxième année d’expérimentation du niébé Bt en milieu paysan, cap a été mis sur des sites des Hauts-Bassins et des Cascades.
Yabasso, pour commencer…
Yabasso est une localité située à une vingtaine de kilomètres de Bobo sur l’axe Ouagadougou-Bobo. C’est une parcelle de 300 m2, en bordure de la route nationale, qui a été donnée à voir aux visiteurs composés, entres autres, des agents de l’ANB reconnaissables par leurs accoutrements, de l’équipe d’OFAB Burkina Faso sous la conduite de Dr Hamadou Sidibé, point focal, de membres de la Fédération nationale des agriculteurs biotech (FENABIOTECH), de représentants d’autorités administratives et coutumières…
Quant à l’équipe de l’INERA, cheville ouvrière des visites, elle est présente à travers l’ingénieur de recherche Hamadou Zongo, après une intermède musical de la troupe locale, tient en haleine, par des échanges, les groupes de femmes et d’hommes venus pour contempler le champ du producteur testeur Bernard Woba Millogo. Comment les tests sont mis en place et quels sont les critères de choix des producteurs pilotes ?
Explications de Hervé Bama, ingénieur de recherche à l’INERA de Farako-ba :
« Dans le cadre de la mise en place de tests de démonstration, nous avons des points focaux notamment FENABIOTECH, NAFASO et bien d’autres. Avant les tests, une formation est conduite sur le niébé Bt afin de permettre aux formés d’avoir une meilleure compréhension. C’est à l’issue du renforcement de capacité, les producteurs pilotes sont désignés à leur sein. Nous avons un protocole que les producteurs testeurs doivent suivre, même si nous ne leur imposons rien. Nous sommes très satisfaits des tests ; les opérations ont été bien suivies, en témoigne ce que vous voyez vous-même aujourd’hui sur le terrain.
Chaque producteur pilote dispose de trois variétés dont deux variétés Bt (IT97KT et NAFIT) et une variété non transformée (Tiligré) comme témoin. Maintenant chaque variété est implantée sur une superficie de 100 m2 à savoir 10 sur 10. Donc au total, c’est 300 m2.
Et Bernard Woba Millogo, producteur testeur Yabasso, de se confier : « J’ai semé mon champ de niébé le 11 août 2024, aujourd’hui je suis fier. C’est propre, en voyant le niébé transgénique, je suis très satisfait. Je préfère le IT97KT ensuite NAFIT. Déjà à la première année des tests, les gens me demandaient la semence ; je leur avais demandé d’attendre la fin complète de l’expérimentation dans les champs.
Le chef du Département productions végétales de l’INERA Dr Fousseni Traoré, entomologiste, viendra conforter les propos du producteur Millogo, après avoir passé au peigne fin les trois variétés testées :
« Ce que vous voyez ici dans ces parcelles expérimentales, on a mis trois variétés de niébé : une variété non transformée (Tilgré) et deux variétés transformées, c’est-à-dire transgéniques. Après observations, on constate clairement que les variétés transgéniques, les gousses sont plus bien portantes que celles de la variété non transformée tout simplement parce que les variétés transgéniques contrôle mieux l’un des principaux ravageurs du niébé qui est Maruca vitrata. C’est l’insecte ciblé avec ces tests en milieu paysan. En revanche au niveau de la variété non transformée, toutes les gousses sont perforées. En tant qu’entomologiste d’abord je suis satisfait parce que la technologie marche très bien. On a pu protéger efficacement les gousses. C’est évident aussi avec ce qu’on a pu voir, les producteurs présents pourront également faire aisément leur choix sur du concret ».
Que pense l’Agence nationale de biosécurité (ANB) du champ du producteur testeur ?
Réponse de sa Directrice de la réglementation, des inspections et du contentieux Mounyratou Rabo :
« Notre agence règlemente tout ce qui est organisme génétiquement modifié. Nous sommes ce matin à Yabasso pour visiter le champ test qui a été mis en place sur le niébé transgénique. Le suivi du protocole pour un tel test a été respecté parce qu’on leur a demandé de mettre en place des zones de refuge. Ce qui a été fait. Si vous constaté autour du champ (minimum 50 m), il n’y a pas de niébé, même conventionnel à proximité ; c’est également une exigence de l’ANB. Donc de façon technique, voire réglementaire, les questions de biosécurité ont été respectées ».
En outre du tourisme, Koro fait aussi parler de lui au niveau des biotechnologies
La deuxième visite s’est déroulée le 24 octobre dans le village Perché de Koro, situé à un jet de pierre de Bobo-Dioulasso. Ce village atypique perché sur des collines attire de nos nombreux touristes.
Frédéric Sanou est le producteur testeur de ce village. Marié et père de 9 enfants, en plus de son champ expérimental sur le niébé transgénique, il cultive aussi du maïs, du sorgho rouge, de l’arachide et de la pastèque.
Lui aussi tout comme son collègue de Yabasso est formel sur les excellents résultats constatés sur les parcelles des lignées transgéniques : « J’ai semé mon champ le 16 août 2024 et je suis très satisfait de l’allure du champ. J’ai constaté que les deux variétés transgéniques contrôlent bien le ravageur Maruca Vitrata. Le IT97KT me fascine suivi de NAFIT ».
Quant à Aboubacar Bamouni, président de la Fédération nationale des agriculteurs biotech (FENABIOTECH), interrogé sur les deux sites visités, il s’est dit très réconforté :
« Hier (23 octobre 2024), on était à Yabasso et aujourd’hui à Koro, pour la visite des champs transgéniques, c’était vraiment magnifique ; nous remercions sincèrement l’équipe de recherche niébé de l’INERA, l’ANB et OFAB qui nous ont permis de faire cette expérience pour la deuxième année consécutive. Les paysans ont très bien apprécié les tests qui ont été faits. Ce que les scientifiques avaient dit, nous l’avions constaté sur le terrain. Il y a moins d’attaques au niveau des variétés portant le gène transgénique par rapport à la variété non transformée. Si le niébé transgénique arrive dans nos champs, nous ferons de très bons rendements hautement bénéfiques. J’ai plus été impressionné par la variété NAFIT ; elle porte plus de gousses mais possède plus de feuillages ; ce qui est profitable pour la nourriture de l’homme et aussi des animaux.
Confirmation également à Toumousseni
Après les Hauts-Bassins, c’était au tour des Cascades notamment le village de Toumousseni, situé sur l’axe Banfora-Sindou de recevoir les visiteurs le 26 octobre 2024. Le producteur pilote est Léa Konaté, un technicien supérieur de l’agriculture à la retraite. À 71 ans, ce producteur a implanté son champ expérimental dans le quartier Lélingousse de Toumousseni.
Lui aussi, en homme averti, ne tarit pas d’éloges sur les variétés transgéniques : « Ce test est un grand coup pour l’agriculture dans le cadre de l’autosuffisance alimentaire. Au regard de la belle physionomie des cultures, je suis vraiment très comblé. Ma première satisfaction, c’est la IT97KT ; ma seconde satisfaction c’est NAFIT. Mais d’une manière générale ces deux variétés transgéniques se sont très bien comportées ».
La parcelle des tests transgéniques de Niangoloko très concluante
En cette matinée du dimanche 27 octobre 2024, les visiteurs, fortement diminués physiquement par le long périple, prennent d’assaut la station de recherche, dirigée par l’ingénieur de recherche Soumabéré Coulibaly, également détenteur d’un PHD en agronomie. Les femmes, pour ne pas dire elles uniquement, sont les premières à accourir sur le site.
Plus tard, des notables et des autorités militaires se joindront au groupe pour le tour des parcelles. « Ici nous sommes sur le site du test du niébé résistant au Maruca Vitrata. On a deux parcelles de lignées transgéniques et la troisième est considérée comme une parcelle témoin. Les champs ont été semés le 8 août 2024. Nous sommes là dans le cadre de la visite commentée pour apprécier l’évolution de ces tests sur le niébé transgénique. Les deux parcelles de variétés transgéniques n’ont pas de traces d’attaques du ravageur par contre la troisième on voit que certaines gousses sont forées par cette chenille qui fait des ravages au niveau de la production du niébé. L’évolution nous donne une entière satisfaction et un espoir quant à l’accroissement des productions du niébé », a laissé entendre le chef de cette station de recherche de 284 hectares.
Après le tour des champs, des enquêteurs ont échangé avec les producteurs et productrices de niébé des différents sites visités sur leur préférence concernant les variétés testées. Les présentes visites commentées ont réuni environ 300 producteurs…
Pour Dr Hamadou Sidibé, chercheur, point focal OFAB Burkina Faso :
« C’est un bilan largement positif, après avoir fait le tour de tous ces sites en expérimentation. Le principal ravageur Maruca Vitrata est bien contrôlé sur toutes les parcelles visitées. L’un des objectifs de OFAB, en termes de communication, c’est de donner l’information scientifique, vraie et justifiée. A travers ces visites commentées, on montre aux producteurs, aux utilisateurs, aux étudiants les technologies qui sont mises au point. Les trois variétés (une variété non transformée (Tilgré) et deux transgéniques) sur les différentes parcelles testées permettent aux producteurs de constater de visu les différences mais aussi les avantages de chaque variété testée. Ce qui permettra aux paysans d’opérer un choix clair et net. De manière globale, ces visites commentées sont satisfaisantes car ça permet aux chercheurs notamment à l’équipe d’OFAB, nous qui communiquons sur les biotechnologies et leurs produits, d’aider les producteurs à faire le bon choix et de comprendre la technologie ; ce que nous appelons d’ailleurs dans le jargon « See and beleave » qui signifie « Voir et croire ».
Cyr Payim Ouedraogo