Introduction
L’information sur les causes de décès à l’échelle de la population aide à déterminer les priorités en matière de santé pour la planification. Si nous savons de quoi la plupart des gens meurent, nous pouvons élaborer une politique de santé publique et orienter les ressources vers ces maladies. Bien que la mortalité générale au sein des observatoires de population puisse être estimée avec une précision relativement élevée, il y a plus de difficultés quant à la détermination des causes de décès (Sie et al., 2010). Pour estimer les causes de mortalité dans l’observatoire de population, tout décès enregistré est complété par la réalisation d’une autopsie verbale qui vise à établir les causes de décès à partir des déclarations faites par des proches du défunt. Des agents enquêteurs interrogent, dans ce contexte, les proches du défunt dans un délai moyen de trois mois après le décès (Kynast-Wolf et al., 2010) dans le but de mieux connaître les circonstances du décès. Le questionnaire utilisé à cet effet comprend des données démographiques et l'historique clinique avant le décès (accidents, symptômes, traitement, etc.). À partir de la séquence et de la combinaison des symptômes et des faits déclarés, deux médecins déterminent ensuite, de manière non concertée, la cause probable du décès en utilisant la classification internationale des maladies (CIM) en vigueur. En cas de divergence entre ces deux médecins, un troisième médecin est invité à se prononcer. Dans le cas d’une troisième opinion divergente, la cause de décès est alors classée comme inconnue. La cause probable du décès retenue et notée est celle qui est donnée par au moins deux médecins. Cette méthode décrite ci-haut est celle qui est recommandée par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Malgré la pertinence de cette méthode, les causes de décès non déterminées ont toujours une proportion élevée. Les médecins ne s'entendant pas souvent sur une classification finale de la cause de décès, il reste encore beaucoup à faire pour améliorer la méthode standard de l’autopsie verbale, afin de réduire la discordance des médecins dans la détermination des causes de décès. Dans cette étude, nous comparons les résultats de cette méthode de l’OMS avec ceux d’une méthode localement adaptée au Centre de Recherche en Santé de Nouna qui intègre le recours à un panel de médecins après une divergence entre les trois médecins codeurs sur la classification finale de la cause de décès.
Méthodologie / Matériel et Méthodes
Cette recherche a été effectuée dans l’observatoire de population de Nouna qui est décrite plus en détail ailleurs (Sie et collab., 2010). Pour rappel, tout décès enregistré est complété par la réalisation d’une autopsie verbale qui vise à établir les causes de décès à partir des déclarations faites par des proches du défunt. Les données des autopsies verbales collectées dans l’observatoire de population de Nouna entre 2009 et 2010 ont été utilisées dans cette étude. Jusqu'en 2009, les médecins de l’observatoire de population de Nouna suivaient la méthode conseillée par l’OMS (Méthode 1). En prolongement de cette Méthode 1, à partir de 2010, un panel de médecins a été ajouté au processus de codage (Méthode 2). Les résultats ont été comparés pour l'année 2009 (en utilisant la méthode 1) et l'année 2010 (en utilisant la méthode 2). Les proportions des décès dont les causes ont été certifiées par les médecins ont été calculées pour les deux méthodes et comparées. Le test de proportion pour deux échantillons indépendants a été appliqué pour effectuer cette comparaison.
Résultats
Sur 1256 décès recensés sur la période d'étude, 640 ont été codés en 2009 selon la première méthode de codage (OMS), alors que 616 décès ont été codés en 2010 à l’aide de la méthode adaptée localement. Sur 640 décès codés en 2009 selon la méthode de l’OMS, il y avait un accord sur 315 diagnostics. Ce qui représente un taux de concordance de 49,2% pour cette méthode. En appliquant, la même méthode pour les données d’autopsie verbale de 2010, un accord n’a pu être trouvé que pour 219 cas, ce qui donne un taux de concordance de 35,6%. Le recours au panel de panel de médecins après une divergence entre les trois médecins codeurs sur la classification finale de la cause de décès (Méthode 2) a accru le consensus sur la cause finale du décès à 607 diagnostics. Ainsi, cette dernière méthode a donné un taux de concordance de 98,5% parmi les médecins codeurs. Avec l'intervention supplémentaire du panel de médecins pour les cas de désaccord, la proportion des causes de décès indéterminées a été sensiblement réduite à moins de 1,5 %. Les deux méthodes ont indiqué que le paludisme demeurait la principale cause de décès, 37,3% en 2009 (avec la première méthode) et 37,9% en 2010 (avec la deuxième méthode). Chacune des méthodes a également mis en évidence que le paludisme était suivi de pneumonies et de maladies diarrhéiques.
Conclusion
Il est vrai que la méthode localement adaptée de certification des causes de décès par les médecins nécessite des ressources et du temps supplémentaires pour les médecins codeurs par rapport à la procédure de codage standard, mais elle apporte une grande amélioration aux méthodes existantes de détermination des causes probables du décès. Nous suggérerons donc son adoption pour les pays où les alternatives telles que le codage d’autopsie verbale sur ordinateur ne sont pas disponibles.
NIAMBA Louis1; YE Maurice2; DIBOULO Eric2; SIE Ali2; COULIBALY Boubacar2; BAGAGNAN Cheik2; DEMBELE Jonas2; RAMROTH Herbert3
1Centre National de Recherche Scientifique et Technologique/Institut des Sciences des Sociétés/Laboratoire de Recherche sur le Patrimoine et Développement Durable/Ouagadougou/Burkina Faso
2Centre de Recherche en Santé de Nouna, Burkina Faso
3Institute of Public Health, University of Heidelberg, 69120 Heidelberg, Germany
Adresse de l’auteur correspondant de l’article de vulgarisation: NIAMBA Louis, Email : niamba_louis@yahoo.fr
Références bibliographiques
Kynast-Wolf, G., Preuss, M., Sie, A., Kouyate, B., et Becher, H. (2010). Seasonal patterns of cardiovascular disease mortality of adults in Burkina Faso, West Africa. Tropical Medicine & International Health, 15(9), 1082-1089.
Sie, A., Louis, V., Gbangou, A., Müller, O., Niamba, L., Stieglbauer, G. & Becher, H. (2010). The health and demographic surveillance system (HDSS) in Nouna, Burkina Faso, 1993–2007. Global health action, 3(1), 5284.
Yé, M., Diboulo, E., Niamba, L., Sié, A., Coulibaly, B., Bagagnan, C. & Ramroth, H. (2011). An improved method for physician-certified verbal autopsy reduces the rate of discrepancy: experiences in the Nouna Health and Demographic Surveillance Site (NHDSS), Burkina Faso. Population health metrics, 9(1), 34