Dr Halidou Tinto, investigateur principal du vaccin « RTS,S » contre le paludisme, a rejoint les immortels de l’Académie Africaine des Sciences. Après Dr Paco Sérémé (2016) et Dr Jean-Bosco Ouédraogo (2018), il est le troisième scientifique du Centre National de la Recherche Scientifique et Technologique (CNRST) à accéder à cette grande institution savante. Il est aussi directeur de l’Unité de recherche clinique de Nanoro. Le 14 août 2020, nous l’avons rencontré. Les échanges ont porté sur son élection à l’Académie, ses travaux sur le vaccin antipaludique « RTS,S », les essais cliniques sur la chloroquine dans le traitement de la Covid-19 ; etc.
Le 10 août 2020, vous avez été admis à l’Académie Africaine des Sciences. Quelle importance revêt cette admission pour vous ?
L’Académie Africaine des Sciences est une institution prestigieuse à laquelle on n’accède pas aussi facilement. La plupart de ceux qui ont réussi à accéder à cette académie sont presqu’en fin de carrière. Les exigences sont très nombreuses. J’ai eu cette chance et le privilège d’être admis à plus de dix ans avant ma retraite. C’est assez exceptionnel.
Quelle incidence a-t-elle pour votre carrière ?
Tout d’abord, il y a un accroissement de ma visibilité. Siéger dans cette prestigieuse organisation donne une grande importance à mon travail. C’est aussi une reconnaissance de mes pairs au niveau international.
Ensuite, cela me confère un certain nombre de responsabilités. Hier (ndlr : l’entretien a été réalisé le 14 août 2020), l’Académie m’a contacté pour que j’évalue dix (10) dossiers de bourses qu’ils doivent donner dans le cadre d’un partenariat avec la firme pharmaceutique Johnson and Johnson. Avec cette admission, j’ai un accès, du point de vue de la primeur, à certaines informations.
Sur le plan scientifique, l’Académie coordonne la sélection des chercheurs ou des groupes de chercheurs pour des financements dans les domaines de la recherche. Dans ce cadre, je suis une partie prenante du processus. Cela peut permettre de soutenir et d’orienter les jeunes chercheurs burkinabè qui visent un haut niveau.
Comment on se retrouve à cette illustre institution savante ? Est-ce une élection ? Une nomination sur proposition de vos confrères ? Suite à des résultats de travaux de recherche ?
Le processus est très long. Mon dossier a été soumis depuis 2019 et c’est maintenant qu’il a abouti. C’est un processus, au cours duquel, vos collègues, qui sont déjà membres, estiment que vous faites de bons résultats et qu’ils ne sont pas suffisamment valorisés. Ils approchent l’Académie pour que vous soyez nommé. Il faut réunir les propositions de deux académiciens. Puis, vous montez et présentez un dossier assez lourd, qui décrit vos travaux et vos résultats depuis le début de votre carrière. L’Académie va jauger votre importance scientifique en visitant le site Scorpus, afin de voir la courbe de votre évolution, le nombre de publications scientifiques, le nombre de fois que vous avez été cité par d’autres scientifiques dans le monde. Après toutes ces démarches, les académiciens votent pour valider votre dossier. Le dossier est transmis par la suite à une autre institution (à l’intérieur de l’Académie) pour un autre examen. Cette institution va enfin transmettre ses recommandations à la structure de gouvernance qui va décider de la nomination. Le processus est transparent, car ce sont les pairs qui jugent de votre qualité. Aujourd’hui, on ne peut pas tricher car, avec Scorpus, on peut retrouver et évaluer la valeur scientifique de tous les chercheurs.
Vous coordonnez les essais cliniques sur l’hydroxichloroquine dans le traitement contre le coronavirus au Burkina Faso. Aujourd’hui, où en sommes-nous avec ces essais ?
Ces essais ont commencé en avril 2020. Nous avons connu quelques problèmes parce que, initialement, cet essai était conçu pour répondre à la polémique lancée par les affirmations de Pr Didier Raoult, qui affirmait que la chloroquine soignait la Covid-19. Nous n’étions pas, comme beaucoup d’autres chercheurs, convaincus car la méthodologie utilisée n’était pas appropriée. Dans un essai clinique, la base est d’avoir un bras contrôle pour comparer les résultats. Dans le cas de Pr Didier Raoult, il n’y avait pas eu cette approche méthodologique. Nous avons estimé au Burkina qu’il serait bien que nous conduisons un essai clinique dans le respect des règles. Notre démarche consistait à avoir un groupe de patients traités avec de la chloroquine et un bras contrôle, où nous ne donnons pas de chloroquine. On devait suivre les patients pendant au moins deux semaines. Si la chloroquine a un effet sur le coronavirus, on va le voir, car la charge virale va baisser plus vite que dans le bras contrôle. Il faut aussi voir si la chloroquine n’est pas nocive : pour traiter le paludisme, on utilisait quinze (15) comprimés de cent milligrammes (100 mg) pendant trois (03) jours. Pour le coronavirus, on utilise soixante (60) comprimés de cent milligrammes (100 mg) pendant dix (10) jours. Les doses sont quatre (04) fois plus élevés.
Nous avons initié le protocole. Mais avec toute la panique qu’il y a eu, le gouvernement n’a pas attendu qu’on puisse mettre en œuvre notre étude. Il s’est précipité pour suivre le mouvement et a adopté la chloroquine dans la politique nationale de prise en charge des patients infectés par le coronavirus. Le gouvernement l’a adopté, mais il n’y a pas de recul. Alors, nous avons repris notre protocole et on l’a transformé en étude observationnelle, dans laquelle les patients traités avec l’hyroxichloroquine sont suivis au jour le jour pour voir leur évolution sur le plan clinique, sans oublier la sécurité et la clairance de la charge virale.
L’étude a prévu de recruter cent cinquante (150) patients. Nous avons cent trente (130) qui ont été recrutés. Il nous reste une vingtaine de patients pour boucler l’échantillon. On espère, à la fin du mois d’août ou en début du mois de septembre, avec le rebond constaté, boucler l’échantillon pour examiner les tendances et faire des recommandations au gouvernement surtout qu’on sait que la chloroquine a une cardio-toxicité à forte dose. Nous effectuons des électrocardiogrammes au fur et à mesure que le traitement est administré.
A côté, on a eu un financement de l’Union européenne (UE) pour valider un test de diagnostic rapide. Aujourd’hui, quand on est à Falangoutou (Sahel), et qu’on présente des signes de la Covid-19, il est difficile d’accéder au diagnostic car jusqu’à présent, c’est la technique de l’Amplification en Chaîne par Polymérase (PCR). Cette technique n’existe qu’à Ouagadougou et à Bobo-Dioulasso. Dans les contrées reculées du Burkina Faso, on n’a pas les moyens, s’il y a des signes de la maladie, de les confirmer ou non par un diagnostic. L’approche qu’on propose, en collaboration avec une firme belge, c’est de voir si ces tests de diagnostic rapide peuvent être utiles dans notre contexte. Nous allons valider ce test en le comparant à la technique de l’Amplification en Chaîne par Polymérase (PCR). Cette étude va commencer bientôt et nous espérons qu’avec tout cela, nous allons contribuer la lutte contre le coronavirus.
Ces tests de diagnostic rapide ont-ils été déjà achetés pour l’étude ?
Non, pas encore. Dans les essais cliniques, il y a un processus que nous devons respecter. Le protocole a été soumis au Comité d’éthique hier (ndlr : l’entretien a été réalisé le 14 août 2020). Nous espérons qu’il soit examiné très rapidement. C’est après cet examen qu’on pourra importer les tests pour commencer l’étude. Nous allons commencer en début septembre si toutefois nous avons un avis favorable du Comité d’éthique en fin de semaine.
Le 09 juin 2020, vous avez accordé un entretien à nos confrères de L’Observateur Paalga, où vous dénoncez la lenteur du Comité d’éthique chargé de valider les protocoles pour les essais cliniques sur l’hydroxichloroquine. Après, Pr Séni
Kouanda, président du comité, a produit un démenti. Pouvez-vous nous expliquer comment cette mésentente est-elle arrivée ?
C’est une incompréhension. Mais on a eu l’occasion de s’expliquer. On s’est parlé et on s’est compris. C’était une incompréhension dans la procédure du Comité d’éthique. Je vous expliquais qu’on était parti, au départ, pour comparer un bras contrôle et un bras de traitement. Mais quand la politique a changé, le Comité d’éthique a estimé qu’il n’était plus nécessaire de faire une telle étude. Alors que nous avions déjà anticipé cela et on leur avait soumis un protocole modifié dans lequel nous avons tenu compte de ce changement de politique. Eux, ils n’ont pas regardé cela et ils ont estimé, la politique ayant changé, qu’il n’était plus nécessaire de réaliser les tests. Nous avions introduit des amendements.
C’est après nos explications qu’ils ont compris que le protocole qu’on leur avait soumis en anticipation prenait en compte la décision gouvernementale d’adopter la chloroquine. Si on s’était compris dès le début, nous aurions gagné du temps. On a dû réécrire un protocole observationnel, qui nous a fait perdre du temps. On s’est expliqué et on s’est compris. Dans tous les cas, nous sommes condamnés à travailler ensemble parce que le Comité d’éthique est un organe très important pour la recherche. S’il n’en existe pas, on laisse le champ libre au charlatanisme. Nous louons le travail qui est fait. Nous les encourageons aussi car ils travaillent souvent sous pression, au regard du nombre de protocole qu’ils reçoivent. Ils ne sont pas très nombreux et ils doivent le faire dans un certain délai. Cette incompréhension a été levée car, après cela, nous avons soumis d’autres protocoles qui ont été approuvés. Maintenant, l’incident est clos.
Vous dirigez aussi les recherches sur le vaccin antipaludique « RTS,S ». Est-ce que vous pouvez nous parler de ce vaccin ?
L’Unité clinique de Nanoro et ma personne, nous sommes connus pour nos travaux sur le vaccin « RTS,S », qui a été le plus important projet de ma carrière de chercheur. J’ai commencé la recherche en 1995 au Centre Muraz. Mais je n’ai jamais conduit un projet aussi important, avec un tel impact scientifique.
Il faut souligner qu’il n’existe pas un vaccin contre le paludisme. « RTS,S » était donc historique. C’est le seul vaccin qui a franchi toutes les étapes du développement du produit pour atteindre la phase ultime qui est la phase 3. La phase qu’on a atteint avec « RTS,S », si nos résultats sont concluants, et c’est le cas, nous permettra de l’enregistrer et de le mettre sur le marché.
Le paludisme est une maladie assez complexe. On entend ça et là dire que, la maladie ne touchant pas les Européens, ils n’investissent pas beaucoup de ressources. Mais, ce n’est pas vrai. Ils en mettent beaucoup. Dans le cas de « RTS,S », onze (11) sites ont été choisis sur le continent africain pour l’essai clinique. La Fondation Bill et Melinda Gates a investi deux cent cinquante millions (250 000 000) de dollars, pour accompagner les sites dans la mise en œuvre du projet. C’est énorme.
A la fin, on a démontré que ce vaccin, sur une année, pouvait protéger en moyenne, sur l’ensemble des sites, plus de cinquante pour cent (50%) des enfants vaccinés. On a essayé de prolonger le suivi jusqu’à quatre (04) ans. Un vaccin qui ne protège pas dans la durée est comme un médicament. L’objectif du vaccin est de protéger pendant une longue période. C’est le cas du vaccin contre la fièvre jaune qui protège pendant dix (10) ans.
Nous souhaitons avoir le plus long délai de protection. Quand on a prolongé le délai jusqu’à quatre (04) ans, on s’est rendu compte qu’on pouvait avoir trente-six pour cent (36%) d’efficacité, c’est-à-dire on réduisait le nombre de cas de paludisme de plus d’un tiers (1/3). Pour une maladie qui touche des millions de personnes, quand on réduit d’un tiers (1/3), c’est très important. On avait déjà anticipé en se disant que si on a un vaccin de première génération, qui peut protéger sur une année à cinquante pour cent (50%), il faut penser à une deuxième génération, qui peut protéger à soixante-quinze pour cent (75%).
« RTS,S » a reçu une opinion positive de l’Agence européenne des médicaments. L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) l’a adopté pour le mettre en phase pilote. Actuellement, cette phase pilote est en cours dans trois (03) pays africains : Malawi, Kenya et Ghana. L’objectif est d’observer le comportement du vaccin dans les conditions réelles de notre vie. Dans l’essai clinique que nous avons réalisé, tout était encadré. La chaine de froid était respectée et nous étions dans les meilleures conditions. Mais dans la pratique, ces conditions ne peuvent pas être répliquées. Il s’agit donc dans cet essai clinique de voir dans les conditions réelles de notre vie (coupure d’électricité, insuffisance dans la chaine de froid, etc.) comment le vaccin va agir. La phase pilote est en cours et elle va durer cinq (05) ans. Après ces cinq (05) ans, si les essais sont concluants, on pourra enregistrer et mettre le vaccin sur le marché pour nos populations.
Vous nous dites que vous avez anticipé en développant un « vaccin de deuxième génération ». Peut-on en savoir davantage ?
Avec l’Université d’Oxford (Royaume Uni), nous sommes en train de travailler sur la deuxième génération de vaccin. C’est le fils ou le petit fils de « RTS,S ». Nous sommes en train de tester ce vaccin en phase 2. L’essai clinique est actuellement en cours. D’ici le mois de septembre, nous aurons les premiers résultats. Si, par chance, nous avons, avec ce vaccin, que appelons le « R21 », une efficacité meilleure, nous espérons atteindre soixante-quinze pour cent (75%) de protection, comme souhaité par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Si ce vaccin atteint une telle efficacité, on pourra peut-être oublier « RTS,S ». C’est le vaccin de l’avenir et on espère qu’il fasse mieux que « RTS,S », qui n’est pas stable. Nos travaux sur les vaccins se poursuivent dans nos laboratoires à Nanoro.
Pourquoi « RTS,S » n’est-il pas stable ?
Il n’est pas stable lorsqu’on le prend en tant que vaccin contre le paludisme. Il fallait l’associer au vaccin de l’antigène de la surface du virus de l’hépatite B, pour le stabiliser. Dans le « RTS,S », on l’a associé deux fois. La proportion de l’antigène de l’hépatite B est plus importante. Dans le « R21 », on a pu les associer à parts égales. On a une forte proportion de la protéine contre le paludisme et une proportion égale de la proportion de la protéine contre l’antigène du virus de l’hépatite B. Nous espérons qu’avec cette nouvelle formulation, on ait une efficacité meilleure.
Quelle importance présente ce vaccin, pour vous et pour la communauté scientifique ?
Si le « R21 » aboutit à des résultats probants et nous donne des taux d’efficacité supérieurs à « RTS,S », ce serait une révolution scientifique au plan international. Nous sommes déjà en partenariat avec une firme pharmaceutique indienne, Serum Institute of India, qui va racheter le brevet avec l’Université d’Oxford, afin de le produire et le mettre à la disposition des populations. Si on aboutit aujourd’hui à un vaccin qui réduit les cas de paludisme de soixante-quinze pour cent (75%), ce serait extraordinaire, voire historique, quand on sait que le paludisme touche, au Burkina Faso, plus de dix millions (10 000 000) de personnes par an. Je suis très fier que le Burkina Faso soit une partie prenante de ce processus.
Si les résultats sont bons en septembre, nous allons élaborer un protocole pour réaliser une troisième phase, qui va prendre en compte des milliers de patients, alors que dans les phases précédentes, on n’a pris que quatre cent cinquante (450) enfants. On veut prendre quatre milles (4 000) enfants, répartis entre le Mali (Bougouni), le Burkina Faso (Houndé et Nanoro) et le Kenya (Kilifi). Nous allons travailler ensemble pour cette phase 3, afin d’enregistrer le vaccin et de le mettre sur le marché.
A quand aurons-nous un vaccin efficace pour prévenir le paludisme ?
Avec « RTS,S », nous attendons les résultats de la phase pilote en 2025, pour savoir s’ils permettent à l’OMS de recommander son utilisation.
Actuellement, nous sommes dans la phase d’analyse des données de la phase 2 avec le « R21 » (en essai à Nanoro). Nous aurons les résultats à la fin du mois de septembre. A partir de janvier 2021, ou dans le premier trimestre de 2021, nous envisageons de démarrer la phase 3, qui doit durer trois (03) ans. C’est à la fin de cette phase qu’on pourra l’enregistrer. Donc, à l’horizon 2026, on espère pouvoir l’enregistrer et éventuellement le mettre sur le marché. C’est un long processus, on a besoin de temps, pour savoir s’il protège ou non. Mais on comprend l’impatience des populations.
Que pensez-vous des recherches qui sont menées à Bobo-Dioulasso sur les moustiques génétiquement modifiés par le projet Target Malaria ?
Ce n’est pas mon domaine. Donc, il m’est difficile de commenter cela. Mais, quand on arrive à ce stade de la recherche, cela signifie que toutes les précautions ont été prises. Le risque est minime, même si le risque zéro n’existe pas. Les chercheurs sont des gens assez conscients. Ils ont le sens de l’éthique et de la déontologie. Ils ne vont jamais prendre des risques et exposer les populations à des risques inutiles. C’est le cas des vaccins et des médicaments que nous testons. On commence toujours au laboratoire. Ensuite, on fait des tests sur des animaux ; dans le cas des vaccins, on fait les tests sur des singes. On prend toutes les précautions pour nous assurer qu’il n’y a pas de risque avant de passer à l’homme. Quand on arrive chez l’homme, on ne prend pas un grand échantillon. Puis, on passe à un échantillon moyen et on passe enfin à une échelle plus grande.
L’étude a commencé à Bobo-Dioulasso avec le lâcher ; et il n’y a pas d’impact négatif sur la vie des populations. Toutes les précautions sont prises et il n’y a aucun risque.
Les avis de la recherche nationale sont-ils suffisamment pris en compte par nos autorités, selon vous ?
Oui. Dans le domaine de la lutte contre le paludisme, nos avis sont pris en compte. Par exemple, on a fait la recommandation de basculer de la chloroquine, utilisée il y a quelques années pour traiter le paludisme, à l’utilisation des combinaisons thérapeutiques à base d’artémisinine. Cette décision a été fondée sur l’évidence constatée à travers nos recherches à Nanoro. Sur trois (03) années, nous avons montré que la chloroquine n’était pas efficace. Sur cent (100) personnes traitées avec la chloroquine, soixante (60) revenaient avec des parasites. Seulement quarante (40) personnes guérissaient. Sur cette base, nous avons attiré l’attention du gouvernement pour que la décision soit prise de changer la politique. La recherche a donc servi à orienter la décision politique. Aujourd’hui tous les nouveaux médicaments contre le paludisme font l’objet d’essais cliniques par nos institutions de recherches nationales, notamment le Centre national de santé publique (CNSP), l’Unité de recherche clinique de Nanoro, le Centre Muraz, etc. Dans le domaine de la lutte contre le paludisme, notre avis est pris en compte par le ministère de la Santé.
Avez-vous d’autres projets à réaliser ?
La recherche est très dynamique. Depuis longtemps nous avons travaillé sur le paludisme à l’Unité de recherche clinique de Nanoro. Mais aujourd’hui, nous sommes en train de nous diversifier pour prendre en compte d’autres thématiques. C’est pour cela qu’on se retrouve impliqué dans la lutte contre le coronavirus, qui relève plutôt de la biologie. Mais, nous avons pu créer des compétences au niveau de Nanoro, avec tous les jeunes qu’on a formé en PhD. On doit évoluer vers d’autres thématiques. Dans les prochaines années, nous voulons développer plusieurs expertises pour aller au-delà du paludisme, qui était notre domaine de prédilection. Nous devons prendre en compte d’autres pathologies et des maladies émergentes comme Ebola, sur lequel nous sommes en train de tester un vaccin à Bobo-Dioulasso, en collaboration avec le Centre Muraz.
Nous voulons aussi nous lancer dans les essais vaccinaux sur le coronavirus. Il y a des vaccins en développement et il y a plus de cent quatre-vingt (180) candidats vaccins qui sont en cours de développement dans le monde. Pour vous dire la vérité, l’humanité ne pourra être sauvée que par un vaccin. Sans vaccin, nous allons patauger dans la situation actuelle pendant plusieurs mois encore. C’est la seule voie pour mettre fin à cette pandémie et le Burkina Faso ne peut pas rester à l’écart. Nous avons les compétences, un bon plateau technique et l’expertise. Nous ne devons pas rester en marge de l’histoire. Nous devons faire partie de ceux qui font l’histoire. C’est pourquoi nous nous sommes engagés, à l’Unité de recherche clinique de Nanoro, avec nos partenaires du Nord, dans le processus de recherche d’un vaccin contre la Covid-19. Nous sommes assez avancés dans les discussions. Probablement dans les semaines ou les mois à venir, vous allez entendre parler de cette nouvelle perspective de la recherche d’un vaccin au Burkina contre la Covid-19.
Avez-vous une adresse particulière ?
Je profite de l’opportunité pour rappeler que nous sommes dans la période où le paludisme sévit. Il ne faut pas que le coronavirus vienne reléguer le paludisme au second plan. Il faut le rappeler car le paludisme reste la première cause de consultation, d’hospitalisation et de décès chez les enfants de moins de cinq (05) ans. Il ne faut pas qu’on perde de vue la nécessité de maintenir toutes les mesures de prévention recommandées par le ministère de la Santé : dormir sous une moustiquaire imprégnée ; faire en sorte que les enfants bénéficient de la chimio-prévention du paludisme saisonnier (CPS) qui est en cours ; faire en sorte que les femmes continuent à aller aux consultations prénatales pour bénéficier des mesures de prévention. Je souhaiterai que toutes ces mesures soient respectées, même s’il y a le coronavirus.
Jean-Yves Nébié
Télesphore Sawadogo