- Introduction
Le feu est un facteur de perturbation important et fréquent qui affecte l'écosystème semi-aride et exerce une grande influence sur la composition et la densité des banques de graines du sol. Son influence sur la banque de graines du sol dépend principalement de son intensité, de sa fréquence et de la saison. La saison des feux peut influencer la dynamique des banques de graines en interagissant avec la phénologie de la reproduction, et les feux synchronisés avec les pics saisonniers de la densité des banques de graines influenceront la survie et la germination d'un plus grand nombre de graines.
La pâture et le feu peuvent influencer la quantité de graines et les conditions dans lesquelles les graines peuvent émerger (modification du microsite), influençant ainsi la disponibilité des semences, les banques de semences et le recrutement, avec des implications possibles sur la dynamique des espèces et les tendances successorales. L’espace créé par la mort d’un ou plusieurs arbres dans un milieu due à la coupe sélective ou à la mort naturelle disponibilise la lumière et fournit plus d'espace et de nutriments pour l'établissement et la croissance d'espèces herbacées et de jeunes espèces ligneuses (Zida et al., 2020). La création d’espace est importante pour la banque de graines du sol car elle peut influencer directement les pertes de graines de la banque de graines du sol par la germination et la pourriture, et indirectement, en influençant les apports de semences de la végétation épigée. La composition de la banque de graines du sol est un indicateur crucial des tendances de successions possibles et pour la survie et la résilience à long terme des populations végétales. Comprendre les caractéristiques des banques de semences et les effets des facteurs de perturbation sur la densité et la composition des banques de semences en relation avec la végétation au-dessus du sol pourrait être très utile pour orienter les efforts de restauration dans les savanes. Cette fiche technique est élaborée à l’endroit des écologues, acteurs de la restauration écologique des terres dégradées.
Cette étude a été conduite sur deux dispositifs factoriels installés dans les forêts classées de Laba et de Tiogo afin d’étudier à long terme l’impact du feu précoce, de la coupe sélective de bois, et de la pâture sur la dynamique des strates ligneuse et herbacée en savane soudanienne du Burkina Faso. Ces dispositifs dotés de 4 répétitions de 18 parcelles de 2500 m2 (50 m × 50 m) et d’une superficie de 50 ha chacun ont été installés en Mai 1992 par l’Institut de Recherche en Biologie et Ecologie Tropicale (IRBET) en collaboration avec l’Université Suédoise des Sciences Agricoles (SUAS), et le Centre de Coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement (CIRAD-Forêt). Ces dispositifs factoriels sont subdivisés chacun en 4 blocs soumis de façon aléatoire à dix-huit traitements faits de combinaisons des trois facteurs que sont le feu précoce, la coupe sélective de bois et la pâture. Chaque site expérimental comprend 72 parcelles, et les parcelles sont subdivisées en placettes de 25 m2 (5 m × 5 m) matérialisées par des bornes en pierres peintes. Des pare-feu périmétraux et inter-parcellaires de 20 à 30 m de large parcourent chaque dispositif. Ainsi 18 ha sont consacrés aux traitements et 32 ha aux pares-feux.
Les échantillons de sol ont été prélevés en Novembre-Décembre, lorsque les semences de la saison précédente pourraient encore germer et la dispersion des graines dans la saison actuelle a atteint le pic. Le prélèvement des sols a concerné 16 parcelles de chaque dispositif soumis aux quatre traitements que sont: Témoin (pas de feu précoce, pas de coupe sélective, pas de pâture); Feu précoce (feu précoce, pas de coupe sélective, pas de pâture); Pâture (pas de feu précoce, pas de coupe sélective, pâture); Coupe sélective (pas de feu précoce, coupe sélective, pas de pâture). Sur chaque parcelle, le dispositif de collecte d’échantillons de sol (Figure 14) comprend 4 lignes et sur chaque ligne de transect, l’échantillonnage a été alterné.
Ainsi, 40 points de prélèvement ont été retenus et estimés suffisamment représentatifs pour chaque parcelle. Trois profondeurs (0-3 cm, 3-6 cm et 6-9 cm) ont été considérées dans la collecte d’échantillons de sol car le sol de Laba est profond et à plus de 10 cm, on atteint la cuirasse ou la roche mère. Les échantillons de sol sont prélevés à l’aide d’une tarrière métallique dans les côtés opposés de chaque quadrat de 5 m × 5 m dans le but de prendre en compte l’hétérogénéité de chaque parcelle. Les échantillons de sols correspondant à chaque placette et à chaque niveau de profondeur sont ensuite mélangés et homogénéisés pour obtenir un échantillon composite avant l’incubation sous la serre à la station de recherche de Saria. Ainsi, trois échantillons ont été obtenus par placette concernée en concordance avec les trois niveaux de profondeur de prélèvement. Au total, 1920 échantillons de sols ont été prélevés.
2.3. Estimation des semences viables du sol
La méthode indirecte a été utilisée pour estimer le stock de semences dans les parcelles d’échantillonnage. Nous avons étalé les échantillons de sol dans les pots en polypropylène protégeant des rayons Ultra-Violets à une profondeur de 4 cm. Les échantillons sont arrosés régulièrement deux fois par jour à l’aide des micro aspergeurs de la serre, afin de s’assurer des conditions équitables et idéales d’humidité. Les semis émergents sont identifiés suivant International Plant Names Index www.ipni.org. Les pots sont disposés sur des palettes à l’intérieure de la serre où les conditions idéales uniformes de germination des semences viables sont octroyées à tous les échantillons. Pour faciliter le drainage de l’eau, les pots ont été perforés.
3. Résultats
Similarité entre les banques de graines du sol et leur relation avec la végétation épigée
Nous avons observé que la banque de graines du sol et la végétation épigée ont une faible correspondance entre elles : beaucoup d’espèces présentes dans la végétation au-dessus du sol sont absentes de la flore de la banque de graines du sol. Peu d'espèces des banques de graines du sol sont présentes dans la végétation épigée. La banque de graines reflète ainsi partiellement la composition floristique des deux sites.
Ces résultats soutiennent l'idée selon laquelle la plupart des graines du sol proviennent d’agents de dispersion. Pour cette raison, nous pouvons soutenir que la taille des graines peut être un autre facteur responsable de la rareté de nombreuses espèces aériennes dans les banques de graines du sol augmentant ainsi la dissemblance entre les banques de graines du sol et la végétation épigée. De ces résultats, il ressort que la banque de graines persistantes du sol n'est pas capable de restaurer toutes les espèces de la végétation épigée. La grande différence entre la composition de la végétation épigée et la banque de graines du sol est probablement due à trois raisons: (i) la proportion de plantes annuelles et pérennes différait dans la banque de graines et la végétation parce que les espèces pérennes sont communément absentes dans la banque de graines du sol, (ii) le lot des graines dans la banque de graines du sol n'a peut-être pas germé pendant les expériences de germination en raison des différences de conditions environnementales entre le milieu d’incubation (la serre) et le terrain, (iii) la différence de mode de dispersion différent conduit à des différences d'espèces entre la banque de graines du sol et la végétation épigée. La composition floristique de la banque de graines du sol dépend légèrement de «la pluie » de graines qui varie selon la phénologie saisonnière.
4. Conclusion
Les résultats de cette étude indiquent que les sites étudiés ont un potentiel de régénération à partir de la banque de graines du sol, et que ce potentiel est bien tributaire du type de perturbation. Le traitement appliqué à la parcelle (feu, coupe sélective, pâture et témoin) a eu un effet significatif sur la densité des semis sur chacun des deux sites. La banque de graines du sol contient plus d’herbacées et très peu de ligneux dont les graines sont certainement restées dormantes indiquant que la majorité des ligneux alimente peu la banque de graines du sol.
ZIDA Didier1, SANOU Lassina1*, DIAWARA Sata1, SAVADOGO Patrice1, THIOMBIANO Adjima2
1Centre national de la recherche scientifique et technologique (CNRST)/Institut de l’Environnement et de Recherches Agricoles (INERA)/ Laboratoire de l'environnement et des écosystèmes forestiers, agroforestiers et aquatiques (Labo ECOFAA), Ouagadougou, Burkina Faso
2Université Joseph Ki-Zerbo, Unité de Formation et de Recherche en Sciences de la Vie et de la Terre(UFR/SVT)./Laboratoire de Biologie et Ecologie végétales (LaBEv), Ouagadougou, Burkina Faso
*Auteur correspondant : SANOU Lassina ; email : lassina.sanoulassina@gmail.com
5. Références bibliographiques
ZIDA Didier, SANOU Lassina, DIAWARA Sata, SAVADOGO Patrice, THIOMBIANO Adjima, 2020. Herbaceous seeds dominates the soil seed bank after long-term prescribed fire, grazing and selective tree cutting in savanna-woodlands of West Africa. Acta Oecologica. 1-11. https://doi.org/10.1016/j.actao.2020.103607.