L’ouvrage de Dr Dieudonné Ilboudo, «Terroirs et parenté mobiles en Afrique : Anthropologie d’un village moaga, Gampèla », a été présenté au public, à l’Institut des Sciences des Sociétés (INSS), le 24 septembre 2024, en présence notamment d’universitaires, de chercheurs et de chefs traditionnels.
D’entrée de jeu, Fousséni Kindo, Directeur de Cabinet au Conseil Supérieur de la Communication (CSC) et modérateur de l’évènement du jour, a précisé qu’il s’agissait plus « d’une présentation officielle de l’œuvre que d’une dédicace » à proprement parlé. Il explique que Dr Dieudonné Ilboudo apporte des réponses à des questionnements tels que : « Comment les sociétés africaines ont-elles évolué au fil des siècles ? » et « Quelles sont les racines de nos identités ? ». Ce sont autant de questions auxquelles l’auteur apporte des éléments de réponse dans son livre. En prenant exemple sur le village de Gampèla, dit-il, l’auteur nous offre une analyse minutieuse des dynamiques sociales, politiques et culturelles qui ont façonné cette communauté. « C’est une œuvre indispensable pour comprendre notre passé et construire notre avenir », a-t-l déclaré.
Pour sa part, Parfait Ilboudo, Dr en critique et littérature africaine et Chargé d’appui technique à la direction de la Culture et de l’Art (DGCA), a présenté l’auteur, Dr Dieudonné Ilboudo, et son œuvre «Terroirs et parenté mobiles en Afrique : Anthropologie d’un village moaga, Gampèla ». Pour lui également, c’est un livre que tout Burkinabè doit lire parce qu’il renferme, à ses propos, beaucoup d’éléments qui éclairent notre passé et nous aident à situer, avec précision, nos origines. En digne Moaga et digne fils du Burkina, Dr Dieudonné Ilboudo, à entendre Dr Parfait Ilboudo, accomplit un de ses devoirs d’intellectuel en choisissant d’éclairer un pan de l’histoire des Moose. Le rôle de l’intellectuel, ajoute-t-il, est de poser des questions et d’y apporter des réponses. Ainsi, l’auteur, dans l’ouvrage, se demande, par exemple, si l’on peut socio anthropologiquement ériger la place et l’évolution d’anciens villages et intéresser l’opinion moderne actuelle. Et à cette question, poursuit-il, l’auteur s’appuie sur un espace qu’il connait bien, espace désigné par le toponyme de Gampèla.
La présence de ce toponyme, dès le départ, montre la place qu’occupe cette localité dans la création et même dans la vie de l’auteur. En citant un passage du livre, Dr Parfait Ilboudo demande alors quelle autre localité, mieux que Gampèla, peut aider à mieux comprendre l’histoire des Moose. Entre autres questions, citations de passages et révélations historiques, l’ouvrage interroge sur l’origine des Moose. Ainsi, il y a lieu de voir à quel groupe se rattachent les Moose qui peuplent le Burkina Faso. La lecture du livre apporte des réponses précises, à entendre le présentateur de l’œuvre, sans pour autant clore le débat, nuance-t-il. Pour cela, l’auteur présente cinq (5) groupes pouvant potentiellement être le berceau des Moose. En outre du débat entre les appellations (même si la tendance est de dire un Moaga, des Moose) Moose ou Mossi, le livre cherche à restituer les apports sociaux que les Nakomsé ont eu à initier, à organiser et à entretenir avec les peuples autochtones et les allochtones voisins. Cette démarche permet au lecteur de découvrir, précise Dr Parfait Ilboudo, les enfants de Ouédraogo et les différents royaumes qu’ils ont fondés.
Livre à l’intersection entre l’histoire et la sociologie et, plus précisément, l’anthropologie, «Terroirs et parenté mobiles en Afrique : Anthropologie d’un village moaga, Gampèla », paru en 2024 aux éditions CNRST, est un ouvrage de deux cent soixante-dix-sept (277) pages. Il se subdivise en quatre (4) parties qui comportent chacune des sous-parties. La première porte sur « Le « substrat » ethnologique et linguistique des Moose à travers leur histoire », où l’auteur retrace le processus de sédentarisation des Moose. Selon Dr Parfait Ilboudo, partant du fait qu’en sciences sociales l’enquête est prépondérante, l’auteur a subordonné sa réflexion et les conclusions de celle-ci à une enquête menée auprès des savants et des sachants ; une enquête directe à l’endroit des acteurs concernés et leurs descendants. De façon synthétique, l’auteur a mis à profit : des fragments d’ouvrages anciens, principalement des ouvrages écrits en arabe et en haoussa ; des rapports d’explorateurs européens de la fin du moyen âge ; des travaux de recherche menés sur la colonisation française en Afrique et des travaux de linguistique sur les Burkinabè. « C’est à partir de ces matériaux que le chercheur Dieudonné Ilboudo problématise, pour le compte de cette première partie, le langage que les anciens ont légué à travers les nominations des personnes, des communautés, des lieux puis des devises et armoiries. Et c’est là, peut-être, qu’il faut situer le choix de Gampèla comme point de départ de l’étude. », explique le présentateur de l’œuvre. Dans la deuxième partie intitulée « Une lecture difficile de l’organisation historique et spatiale du village de Gampèla », l’auteur axe sa réflexion sur l’historicité du village de Gampèla, ses terroirs mobiles et les parentés qui en découlent. Dans la troisième partie dont le titre est « Valeurs culturelles et plaisanterie comme forme ancestrale de résilience et forme moderne de rapports pacifiques », l’auteur montre que la plaisanterie permet aux peuples de se relever des différents problèmes et surtout d’affronter les défis et trouver des solutions idoines. C’est donc la typologie des rapports autour de Gampèla et la fonction de la plaisanterie qui y sont abordées.
La quatrième partie, selon les explications de Dr Parfait Ilboudo, est en fait un épilogue sur les entretiens formels, individuels et collectifs. À ce niveau, l’auteur revient sur les enquêtes qu’il a menées à Manga, à Sagla dans la commune de Laye et à Gampèla. La partie s’achève par une synthèse de l’œuvre de Kouamé René Allou « Les Akan peuples et civilisations ». « Après ces quatre parties, l’auteur tire une conclusion pour finalement arriver à démontrer que la colonisation, telle que nous l’avons connue, a déconstruit nos sociétés… », a substantiellement conclu le critique littéraire, en faisant aussi un parallèle avec la crise sécuritaire qui sévit au Sahel et partant, au Burkina Faso.
Admis à la retraite, Dr Dieudonné Ilboudo a consacré trente-cinq (35) années de sa carrière à la recherche, essentiellement, à la l’Institut pédagogique du Burkina (IPB) et au Centre national de la recherche scientifique et technologique (CNRST). Pour l’auteur qui a contribué à la publication de plusieurs ouvrages, cette envie d’écrire sur son village, qu’il étaye par une anecdote sur son enfance, vient de loin. Elle vient aussi d’une promesse faite à ses parents.
Par ailleurs, pour le Chef de Gampèla, Naaba Saaga, cet ouvrage qui fait la genèse de leur localité est très important à leurs yeux. « C’est tout un honneur pour moi de constater qu’un fils de Gampèla a travaillé et fait des recherches pour produire un livre qui conte l’historique de Gampèla. Je le remercie pour cela, en mon nom propre et à celui de tous les ressortissants de la localité », s’est-il réjoui.
Avant Naaba Saaga de Gampèla, Dr Awa Carole Bambara, Directrice de l’INSS, a prononcé, plus tôt dans la soirée, le mot de bienvenue et s’est réjouie que Dr Dieudonné Ilboudo ait produit ce document de haute facture sur Gampèla, qui est du ressort du terroir moaga.
Du reste, le livre est disponible et coûte 4 000 FCFA.
Abrandi Arthur Liliou