Introduction
À l’échelle planétaire, la consommation d’eau a augmenté et continue de l’être en raison de l’accroissement de la population mondiale et du développement des activités économiques (Un water, 2020, p. 2). Pourtant, cette ressource subit de plein fouet les effets du changement climatique à travers les modifications du cycle de l’eau, la température et les vents. Les conséquences du changement climatique actuelle et à venir se font le plus ressentir par les producteurs agricole, les éleveurs, les pécheurs etc (Coalition eau, 2014 p. 10).
Avec près de 3 931 milliards de m3 d’eau, soit près de 9% des ressources mondiales en eau douce, l’Afrique est le deuxième continent le plus sec au monde (GIEC, 2016, p. 18).
Au Burkina Faso, le changement climatique constitue un problème pour l’approvisionnement en eau des maraîchers sur l’ensemble du territoire. En effet, comme dans l’ensemble du Sahel Ouest Africain, le pays est confronté à des changements dans la répartition des précipitations, à l’augmentation des températures, aux extrêmes climatiques (PAS-PNA, 2019, p. 1).
Dans la ville de Ouahigouya, les besoins en eau augmentent. Cependant, les ressources hydriques disponibles ont été affectées par la pression des hommes et les effets du changement climatique durant les 10 dernières années. Cette situation a entrainé des changements dans la production des cultures maraîchères, des structures d’approvisionnement en eau surtout avec l’arrivée massive des Personnes Déplacées Internes (PDI) qui sont estimées à plus de 146 794 en 2023 selon le Conseil National du Secours d’Urgence et de Réhabilitation (CONASUR).
1. Méthodologie de recherche
1.1. Matériels de collecte des données
Les barrages de Kanazoé et de Goinré sont localisés dans la commune de Ouahigouya, au nord du Burkina Faso. La population cible est composée des exploitants des périmètres irrigués desdits barrages que sont les autochtones et les PDI. La collecte des données a été réalisée auprès de 50 maraîchers installés sur les superficies aménagées des deux sites et présents pendant la période d’enquête (Karambiri et al., 2024). Le questionnaire a été administré aux chefs d’exploitations.
1.2. Méthodes de traitement et d’analyse des données
Le traitement des données collectées a nécessité l’utilisation de logiciels différents. En effet, QGIS 2.18.4 a été utilisé pour les illustrations cartographiques. Le dépouillement des fiches d’enquêtes a été réalisé par le logiciel Excel qui a servi par ailleurs au traitement des données statistiques collectées sur Kobocollect. Word a servi au traitement de texte.
2. Résultats
2.1. Effets du changement climatique sur les ressources en eau
Dans la commune de Ouahigouya, le changement climatique se caractérise par une augmentation du nombre de périodes de faible pluviométrie et une hausse de la température moyenne. Selon 14 % des enquêtés, l’ensablement des barrages est dû aux effets du changement climatique. Pour 12 % des interrogés, c’est plutôt l’assèchement précoce des réservoirs d’eau. En outre, 74 % des répondants affirment que la forte évaporation est l’un des effets importants du changement climatique.
En plus des effets du changement climatique, les ressources en eau sont confrontées à la forte consommation. En effet, les études de terrain ont montré que sur les deux sites de production, les maraîchers emploient des motopompes pour l’irrigation des parcelles car elles facilitent le prélèvement de l’eau. Par conséquent, certains producteurs augmentent les superficies de leurs périmètres de production.
2.2. Effets du changement climatique sur les cultures maraîchères
Les producteurs sont d’avis que les cultures maraîchères sont sensibles à la forte température, aux vents violents, aux inondations etc. Cette sensibilité s’appréhende aussi bien sur les plantes à fleurs (tomate, piment…) que les tubercules (pomme de terre, oignon). Ainsi, les effets remarquables des effets du changement climatique cités par les producteurs sont l’assèchement des fleurs suivis de leur perte, les dépôts de poussière sur les fleurs et feuilles qui sont vecteur de maladie, la maturation précoce, l’apparition de tâches noires sur les fruits etc.
Concernant les tubercules, les producteurs affirment que le changement climatique perturbe la formation des bulbes d’oignon, bloque la tubérisation de la pomme de terre etc, toute chose qui diminue les rendements agricoles.
2.3. Stratégies d’adaptation des producteurs maraîchers
2.3.1. Cultures maraîchères
Pour lutter contre les impacts du changement climatique sur les cultures maraîchères, tous les enquêtés ont indiqué qu’ils utilisent des semences améliorées résistantes aux fortes températures et qui ont besoin de moins d’eau. En plus, 34 % des producteurs étalent les pailles dans leurs champs pour garder l’humidité pendant longtemps. 86 % des répondants déclarent qu’ils plantent des arbres autour des champs afin de ralentir l’effet du vent, et 12 % affirment qu’ils changent le calendrier agricole (démarrage très tôt) afin de profiter des eaux des premières pluies pour produire. Par ailleurs, 74 % des interviews ressortent qu’ils arrosent régulièrement les champs pour atténuer l’effet de la forte température sur les plantes.
2.3.2. Sources d’approvisionnement en eau
Sur les deux sites de production, les maraîchers utilisent l’eau des barrages pour arroser les cultures. Pour préserver ces retenues d’eau contre les conséquences du changement climatique, 22 % des maraîchers indiquent qu’ils remplissent les grands creux de passage d’eau avec des cailloux afin de freiner l’érosion et la dégradation des berges, et protéger les digues des barrages. Cette protection consiste aussi à désherber et à tailler les arbres afin que leurs racines ne provoquent pas l’usure précoce de la digue. Ces activités de protection sont cordonnées par les comités locaux de gestion des barrages créé en 2022.
Par ailleurs, ces comités organisent par moment des campagnes de reboisement des berges des barrages car d’après les paysans, les arbres ralentissent l’écoulement de l’eau qui transporte le sable dans les barrages. De plus, ils augmentent son infiltration. Le reboisement est donc un moyen de lutte contre les vents violents, de protection des plans d’eau, du sol et de l’environnement.
Toutefois, les travaux de terrain ont montré que dans l’exécution de ces différentes activités, les maraîchers rencontrent des difficultés tels que l’insuffisance de matériels de travail (machettes, gants, bottes etc.) et le manque d’accompagnement. C’est pour quoi, ils suggèrent aux autorités de nettoyer et d’entretenir les installations hydrauliques, de renforcer les digues et de mettre en place des boulis et des forages solaires pour l’irrigation.
2.4. Contraintes de l’activité maraîchère
Les maraîchers rencontrent plusieurs difficultés dans la conduite de leur activité. En effet, plus de 54 % des enquêtés estiment que l’assèchement des barrages a une certaine période de l’année entrave la production maraîchère. De même, 48 % d’entre eux mentionnent l’infestation des cultures par des insectes et des maladies. La conservation des produits après les récoltes est l’une des difficultés majeures évoquées par 36 % des maraîchers. L’absence de chambre froide pour la conservation des produits et le fait que les producteurs cultivent presque les mêmes spéculations au même moment donnent lieu à une saturation du marché causant ainsi la baisse des prix et parfois des pourritures liées à la forte chaleur. La pauvreté des producteurs et la cherté des engrais limitent aussi la production des cultures maraîchères.
Conclusion
L’eau est une ressource indispensable pour les êtres vivants et pour la réalisation des activités socioéconomiques. Cependant, le changement climatique affecte la disponibilité des ressources en eau. Face aux impacts, de nombreuses initiatives sont développées par les populations et les acteurs au développement afin de garantir la disponibilité des eaux de surface pour les différents usages. Toutefois, il ressort des études qu’avec le changement climatique, les retenues d’eau sont confrontées à l’ensablement, à la forte évaporation et à l’assèchement précoce. Ces contraintes ont conduit les maraîchers à mettre en place des stratégies permettant d’améliorer la gestion de l’eau et la production face aux effets du changement climatique.
KARAMBIRI Bienvenue Lawankiléa Chantal Noumpoa[1], * SIENOU Abdoul Karim[2] et ILBOUDO Sayouba[3]
[1] Institut des Sciences des Sociétés (INSS)
2 Université Joseph Ki-Zerbo
3 Laboratoire d'Études et de Recherches sur les Milieux et Territoires (LERMIT)
Auteur correspondant : KARAMBIRI Bienvenue Lawankiléa Chantal Noumpoa, bienvenuechantal@gmail.com
Références bibliographiques
GIEC, 2016, Eau et climat. Livre bleu, Un Climate Change Conference, 46 p.
Coalition eau, 2014, Eau et changement, Note de recherche, 60 p.
KARAMBIRI Bienvenue Lawankiléa Chantal Noumpoa, SIENOU Abdoul Karim et Sayouba ILBOUDO, 2024, Résilience des maraîchers face à la raréfaction des ressources en eau dans un contexte de changement climatique à Ouahigouya (Burkina Faso), Science et technique, Série Lettres, Sciences sociales et humaines, Vol. 40, n° 1-Janvier- Juin 2024, ISSN 1011-6028, pp. 33-47
PAS - PNA, 2019, Etats des lieux des connaissances scientifiques sur les ressources en eau au Burkina Faso et de l’impact des changements climatiques sur ces ressources, Projet d’appui scientifique aux processus de plans nationaux d’adaptation, 4 p.
Un water, 2020, L’eau et les changements climatiques, Rapport mondial des Nations Unies sur la mise en valeur des ressources en eau, 12 p.