1. Introduction
Le climat du Burkina Faso est marqué par une alternance de deux (02) saisons. Une longue saison sèche et une courte saison pluvieuse. La pluviométrie permet de distinguer trois zones agro-climatiques : la zone Sahélienne (<600 mm/an), la zone Nord-soudanienne (600-900 mm/an) et la zone Sud-soudanienne (˃900 mm/an). Dans chacune de ces zones, la majorité des populations rurales tirent principalement leurs moyens de subsistance de l’agriculture. Cependant, l’agriculture est confrontée à la baisse permanente de la qualité physique, chimique, et biologique des sols, sous l’effet des facteurs naturels et anthropiques. Ce phénomène défit la sécurité alimentaire des populations, la réduction de la pauvreté et le développement de l’économie nationale dans le long terme. Dans ce contexte, l’accroissement de la production agricole est une nécessité prioritaire. Plusieurs stratégies peuvent être mises en œuvre pour que cet accroissement soit une réalité. Parmi celles-ci, on peut noter l’utilisation des technologies agronomiques, végétatives, structurales et de gestion pour contrôler la dégradation des sols afin d’améliorer leur productivité. On note également le soutien des agriculteurs par le pouvoir public et aussi la gestion efficiente des facteurs de production par les exploitations agricoles. La gestion efficiente des facteurs de production apparaît la stratégie la mieux appropriée dans le contexte actuel du Burkina Faso où les moyens des agriculteurs tout comme les ressources étatiques sont limités. En effet, cette stratégie ne requiert pas d’investissement supplémentaire mais plutôt une meilleure utilisation des moyens déjà disponibles.
Un agriculteur est dit efficient s’il obtient la quantité maximale de produit avec le niveau de facteurs (terre, capital, intrants, travail, …) qu’il a engagé dans la production. De ce qui précède, il est important de comprendre les déterminants de l’efficience d’utilisation des facteurs de production au sein des exploitations agricoles au Burkina Faso. Pour diverses raisons, l’étude s’est limitée aux zones agro-climatiques Nord-soudanienne et Sud-soudanienne. L’objectif principal de la présente étude est d’analyser l’effet de la zone agro-climatique sur l’efficience d’utilisation des facteurs de production par les exploitations agricoles. Les résultats obtenus permettent d’identifier les principaux déterminants de l’efficience d’utilisation des facteurs de production par les exploitations agricoles. Par ailleurs, ils suggèrent des implications de politiques économiques et de recommandations à l’endroit des acteurs politiques et des agriculteurs qui en sont le public cible.
2. Méthodologie
La présente étude a été conduite dans 4 communes rurales du Burkina Faso à savoir Arbollé et Korsimoro dans la zone agro-climatique Nord-soudanienne, Béréba et Léna dans la zone Sud-soudanienne. La Figure 1 présente la zone d’étude. Pour l’enquête, un questionnaire a été utilisé. Les données ont été collectées auprès d’un échantillon de 335 exploitations agricoles entre mai et juillet 2022. Les entretiens individuels ont visé à priori les chefs d’exploitation qui, dans la majorité des cas, sont responsables de la prise de décision. Les données collectées ont concerné la production, les superficies des cultures céréalières (mil, maïs, sorgho) et les quantités des intrants utilisés. L’analyse des données a utilisé les méthodes statistiques descriptives et économétriques.
Figure 1 : Présentation de la zone d’étude
3. Résultats
Description statistique des variables utilisées
Les résultats du Tableau I montrent que la valeur moyenne de la production céréalière est d’environ 845 000 FCFA. La superficie moyenne affectée à la production des céréales concernées est d’environ 5 ha. Les équipements agricoles possédés par les exploitations agricoles sont évalués à 169 000 FCFA en moyenne. La quantité de travail engagée dans les opérations culturales équivaut à 81 hommes/jour en moyenne (équivalent adultes). En outre, la majorité des agriculteurs sont des adultes avec un âge moyen de 46 ans. En revanche, le crédit agricole est accédé par 33% des agriculteurs. La majeure partie (61%) des agriculteurs bénéficie de l’encadrement agricole. Les agriculteurs ayant fréquenté le système scolaire formel, ne serait-ce que le cycle primaire, représentent 41% de l’échantillon. Aussi, deux champs en moyenne sont cultivés dans chaque exploitation. Les agriculteurs sont majoritairement membres d’une organisation paysanne agricole (OPA) avec une fréquence de 54%. La taille moyenne des exploitations enquêtées est de 10 membres. Les agriculteurs de la zone Nord-soudanienne représentent 39% de l’échantillon étudié.
Tableau I : Résultats de la description statistique des variables utilisées
Source : Auteur
Déterminants de l’efficience d’utilisation des facteurs de production agricole
Les déterminants de l’efficience d’utilisation des facteurs de production agricole au sein des exploitations agricoles sont présentés dans le Tableau II. Un coefficient négatif d’une variable montre que cette dernière réduit l’inefficience des exploitations (Kumbhakar et al., 2015). Globalement, le score d’efficience d’utilisation des facteurs par les exploitations agricoles s’établi à 56%. Cela montre que ces dernières peuvent donc accroître leur niveau de production de 44% avec le même niveau de facteurs déjà utilisés.
En revanche, l’exploitation de plusieurs champs améliore l’efficience des exploitations agricoles. L’influence de ce facteur peut s’expliquer par le fait que l’exploitation de plusieurs champs favorise la diversification des cultures et renforce la résilience de l’agriculteur aux aléas climatique. En outre, le fait que le chef d’exploitation soit membre d’une organisation paysanne renforce l’efficience de son exploitation. En effet, les échanges entre les membres d’une organisation paysanne agricole (OPA) favorise leur accès aux informations pour une meilleure gestion de leurs systèmes de production. D’autres paramètres favorables à l’efficience des exploitations sont l’accès à l’encadrement et au crédit agricole. On remarque que les exploitations qui en ont accès sont plus efficientes que celles qui n’en ont pas. Ces paramètres facilitent l’acquisition d’intrants de qualité et d’équipements agricoles et renforcent donc les capacités des exploitants à la meilleure gestion de leurs productions.
Tableau II : Déterminants de l’efficience d’utilisation des facteurs de production dans les exploitations agricoles
*** = p-value ; ** = p-value ; * = p-value
Source : Auteur
Distribution des scores d’efficience selon les deux zones agro-climatiques
Le Tableau III présente la distribution des scores d’efficience d’utilisation des facteurs de production dans les deux zones agro-climatiques. Dans la zone agro-climatique Nord-soudanienne, le score d’efficience des exploitations agricoles varie de 0,07 à 0,98 avec une moyenne de 0,51. Par contre, celui des exploitations agricoles de la zone Sud-soudanienne évolue de 0,07 à 0,92 avec une moyenne de 0,57.
Le test de comparaison de moyenne (t-test) n’indique pas de différence statistiquement significative entre les scores d’efficience des deux zones agro-climatiques. Cela montre que la zone agro-climatique n’est pas un paramètre discriminatoire entre les exploitations agricoles en ce qui concerne l’efficience d’utilisation de leurs facteurs de production. Selon les travaux de Ouédraogo (2024), les agriculteurs de la zone Nord-soudanienne sont plus intensifs en technologies de conservation des eaux et des sols comparativement à ceux de la zone Sud-soudanienne. Cela contribue certainement à améliorer leur efficience si bien qu’ils s’assimilent à ceux de la zone Sud-soudanienne où les conditions environnementales sont plus propices à l’agriculture.
Tout compte fait, étant donné que le score d’efficience le plus élevé est égal à 1, les résultats obtenus montrent qu’il existe un potentiel d’accroitre le niveau de production agricole de 0,49 et de 0,43 dans les zones Nord-soudanienne et Sud-soudanienne, respectivement avec les mêmes quantités de facteurs déjà utilisées.
Tableau III : Distribution des scores d’efficience des exploitations agricoles dans les deux zones agro-climatiques
Source : Auteur
4. Conclusion
L’efficience d’utilisation des facteurs de production au sein des exploitations agricoles est influencée par plusieurs paramètres. Les plus importants sont l’accès à l’encadrement agricole, la participation à une organisation paysanne, l’accès au crédit agricole et l’exploitation de plusieurs champs. La zone agro-climatique n’a pas un effet statistiquement significatif sur l’efficience des exploitations agricoles. A la lumière de ces résultats, les acteurs politiques devraient renforcer l’accès des exploitations au crédit et à l’encadrement agricole. Les agriculteurs sont appelés à diversifier davantage les cultures céréalières sur plusieurs champs afin de renforcer leur résilience aux effet climatiques et à intégrer des organisations paysannes agricoles pour améliorer leur efficience dans leurs systèmes de production à travers le partage d’expérience.
OUEDRAOGO Hadji Adama1,2,*
1- Centre National de la Recherche Scientifique et Technologique (CNRST)/Institut de l’Environnement et de Recherches Agricoles (INERA), Ouagadougou, Burkina Faso,
2- Université Thomas Sankara (UTS)/ Centre d’Études, de documentation et de recherche Économiques et Sociales (CEDRES), Burkina Faso
*Auteur correspondant : OUEDRAOGO Hadji Adama, email : ohadjiadama@yahoo.fr
5. Références bibliographiques
Kumbhakar, S., Wang, H., Horncastle, A.P., 2015. A practitioner’s guide to stochastic frontier analysis using Stata. Cambridge University Press, New York, NY.
Ouédraogo, H.A., 2024. Effect of Soil and Water Conservation Techniques’ Adoption Intensity on Farmers’ Technical Efficiency in Burkina Faso: A Stochastic Meta-Frontier Approach. Int. J. Agric. Econ. 9, 340–346. https://doi.org/10.11648/j.ijae.20240906.16
Ce document de vulgarisation est tiré de l’article scientifique : Ouédraogo H. A. 2024. Effect of Soil and Water Conservation Techniques’ Adoption Intensity on Farmers’ Technical Efficiency in Burkina Faso : A Stochastic Meta-Frontier. Int. J. Agric. Econ ; 9(6) : 340–346. https://doi.org/10.11648/j.ijae.20240906.16