Le Centre d'Études, de Documentation et de Recherche Économiques et Sociales (CEDRES) de l'Université Thomas Sankara (UTS), en collaboration avec le Consortium pour la Recherche Économique en Afrique (CREA), a organisé, le 25 juillet 2023, à l'Université Joseph Ki-Zerbo, un atelier de dissémination des résultats de recherche. Cet atelier visait à vulgariser trois résultats de recherche sur le capital humain.
Selon Pr Youmanli Ouoba, Directeur exécutif du Centre d'Études, de Documentation et de Recherche Économiques et Sociales (CEDRES), cet atelier avait pour objectif de présenter les résultats de recherche sur le capital humain. « Selon Nelson Mandela, le capital humain est l'arme la plus puissante pour transformer le monde. Cet atelier permet donc aux chercheurs de vulgariser leurs résultats. Il permet aussi de requérir l'avis des décideurs sur les résultats et les recommandations présentés », a-t-il affirmé, à l'entame de la rencontre. Ensuite, les conférenciers ont présenté les résultats de leurs travaux aux participants.
Pour John Gitari, représentant du Directeur exécutif du Consortium pour la Recherche Économique en Afrique (CREA), cet atelier est opportunité de présenter les importants résultats de recherche. « Nous sommes heureux de participer à cet atelier. Il permet de connaître les résultats des chercheurs qui peuvent nous aider les décideurs à prendre des décisions », a-t-il dit.
Le casse-tête du lien capital humain-prospérité : enseignements du cas du Burkina Faso
Cette recherche a été effectuée par les enseignants-chercheurs Dr Alain Siri et Dr Omer Combary. Ils ont relevé le problème de l'inconstance de la relation entre capital humain et accroissement de la prospérité.
Ils ont montré que depuis le début des années 1980, les autorités burkinabè ont accordé une grande place au développement du capital humain dans la conduite de l'action publique. Parmi les chiffres clés, ils notent que la dépense publique d'éducation, qui ne représentait que 1,4% du PIB en 1996, a été portée à 6% du PIB en 2018. Quant à la dépense publique de santé, elle a plus que doublée, passant de 1,1% du PIB en entre 2003 à 2,4% en 2018. A cet égard, les résultats en matière d'éducation et en santé se sont subséquemment améliorés. Au secondaire, le taux brut de scolarisation est passé de 6,9% en 1990 à 40,7% en 2020. L'espérance de vie à la naissance s'est également améliorée, passant de 49,4 ans en 1990 à 61,2 ans en 2019.
Toutefois, soulignent les initiateurs de la recherche, malgré ces progrès en éducation et en santé, la pauvreté s'est accrue entre 1994 et 2009, touchant 44,5% de la population, puis 46,7% avant de reculer à partir de 2014, pour ne concerner que 36,2% de la population en 2018. « Ces données révèlent donc que l'accroissement des dotations en capital humain, n'induit pas nécessairement une amélioration de la prospérité des ménages. D'où la nécessité de réconcilier les stratégies de développement du capital humain avec leur finalité : l'amélioration de la prospérité des ménages. Il faut pour cela, s'engager à corriger leurs insuffisances, en améliorant leurs retombées économiques et sociales », ont indiqué Dr Alain Siri et Dr Omer Combary.
Les chercheurs préconisent ainsi aux autorités politiques de ne plus centrer leur politique de développement du capital humain sur l'accroissement des offres de services, mais plutôt de combiner extension des offres et amélioration des rendements des services.
Alors, dans les domaines de l'éducation et de la formation, ils suggèrent d’adapter les curricula enseignés, d’accroitre l'offre d'enseignement et de formation techniques et professionnelles. Pour la promotion de l'emploi décent, ils recommandent de poursuivre l'amélioration des politiques du marché du travail, faciliter l'accès aux stages et aux formations de courtes durées pour les jeunes et les travailleurs déflatés et accompagner l'entrepreneuriat des jeunes. Enfin, concernant la politique de nutrition, il faut la réarmer pour couvrir l'alimentation au travail.
Niveau d’éducation, autonomisation économique des mères et mortalité infantile au Burkina Faso
Cette recherche a été menée par Lamissa Barro, Aïcha Tiendrébéogo, Issa Nana et Landry Ky. Ils ont relevé que le niveau d'éducation au Burkina Faso, en particulier celui des femmes, demeure toujours faible, en dépit des efforts entrepris par les autorités politiques et des organismes internationaux conformément à l'axe 4 des ODD. De plus, le constat révèle des difficultés pour les femmes d'être autonomes sur le plan économique et social. En effet, au Burkina Faso, le taux de chômage féminin était de 6% en moyenne sur le dernier quinquennat, ce qui est assez élevé et supérieur au taux de chômage globale moyen (Banque Mondiale, 2021). Aussi selon la BAD (2021), 65,4% des femmes, au Burkina Faso, exercent dans le secteur informel. Dans le même temps, le Burkina Faso présente des taux de mortalité chez les enfants relativement élevés ; il est de 56,68 pour 1000 pour la mortalité infantile, de 26,98 pour 1000 pour la mortalité néo-natale et de 93,96 pour 1000 pour la mortalité infanto-juvénile sur la période 2015-2019. Ces taux restent supérieurs aux moyennes de l'Afrique Subsaharienne. Il ressort donc que le Burkina Faso est caractérisé par un faible niveau d'éducation féminin, une faible autonomisation des femmes et un taux de mortalité infantile élevé. L'étude visait à analyser l'impact de l'éducation des mères sur la mortalité à travers leur autonomisation économique.
L'analyse révèle qu'au Burkina Faso, l'amélioration du capital humain des femmes est favorable à leur autonomisation économique. En effet l'accès à l'éducation c'est-à-dire l'instruction à l'école et l'alphabétisation des femmes, améliore leur probabilité de gains. Toutefois, cela ne semble pas avoir un impact sur leur pouvoir de décision sur le revenu du ménage. Il ressort également que le pouvoir de décision sur le revenu du ménage réduit la mortalité infantile au Burkina Faso surtout en zone rurale. L'étude recommande donc la continuité dans les politiques en faveur de l'éducation des filles et des femmes dans l'optique d'améliorer leur autonomisation économique en leur permettant d'avoir accès à des activités génératrices de revenu. Mais aussi, l'adoption de politiques tenant compte des pesanteurs socio-culturelles surtout en milieu rural, dans l'optique d'améliorer leur pouvoir de décision sur l'usage de leurs revenus afin de réduire la mortalité infantile au Burkina Faso.
Investissements directs étrangers et développement du capital humain au Burkina Faso
Cette recherche a été menée par les enseignants-chercheurs, Dr Porto Bazié et Dr Alain Siri. Ils révèlent que le pays peine à réaliser les objectifs d'offrir à tous une éducation inclusive et de qualité conformément à l'ordonnance n°59-45 du 6 janvier 1959 sur l'obligation scolaire de 6 à 16 ans et l'étendre au niveau supérieur. Les indicateurs l'éducation connaissent une baisse.
Par exemple le taux brut de scolarisation a connu une baisse de 2,0 points de pourcentage entre 2019 et 2020 se situant à 47,3% et 49,3% respectivement en 2020/2021 est en 2019/2020. Le taux d'achèvement (TACH) qui est de 36,7% a connu une baisse de 2,3 points de pourcentage par rapport à 2019/2020.
Longtemps laissés presqu'à la charge de l'Etat, les principaux obstacles liés l'accès à l'éducation au Burkina Faso restent les contraintes financières. Ainsi, de nombreux plans.et programmes éducatifs restent en suspens notamment les plans d'action et les programmes de développement de l'éducation (Plan d'action 2022 d'amélioration de l'accès à l'éducation de 60% à 90% au primaire ; niveau du post-primaire, 48% à 50-58% et au secondaire, de 16% à 30%. Puisque le financement du système éducatif est en majorité assurer par l'Etat d'où la nécessité de trouver des sources efficaces de financement.
Selon les chercheurs, les résultats de l'analyse aussi bien qualitative et que quantitative montrent que les flux d'IDE améliorent le budget de l'éducation au Burkina Faso grâce à la pression fiscale. L'analyse montre que le système fiscal burkinabè est très favorable à l'investissement privé. Les politiques de libéralisation et d'attraction des capitaux étrangers ont conduit à une amélioration progressive du recouvrement des recettes fiscales et à une augmentation du degré d'ouverture de l'économie nationale. Cette augmentation des recettes fiscales a permis d'augmenter, au fil du temps, les dotations budgétaires en faveur de l'éducation notamment. L'étude recommande que le Burkina Faso continue à améliorer son système fiscal et à développer des politiques plus favorables pour attirer les IDE afin d'améliorer davantage le développement du capital humain.
Le gouvernement devrait également se concentrer sur la promotion des investissements dans les secteurs qui ont un impact plus important et durable sur le développement du capital humain et veiller à une application effective de la responsabilité sociale de l'entreprise (RSE).
Jean-Yves Nébié